L’Encyclopédie/1re édition/MISNA

MISNA, la, ou MISCHNA, s. f. (Théol. rabiniq.) on ne dit point mischne en françois, parce qu’on ne doit point altérer les noms propres. Code de Droit ecclésiastique & civil des Juifs. Ce terme signifie la répétition de la loi ou seconde loi. L’ouvrage est divisé en six parties ; la premiere roule sur les productions de la terre ; la seconde, regle l’observation des fêtes : la troisieme traite des femmes & des divers cas du mariage ; la quatrieme, des procès qui naissent du commerce, du culte étranger & de l’idolatrie ; la cinquieme dirige ce qui regarde les oblations & les sacrifices ; la sixieme enfin a pour objet les diverses sortes de purifications.

La mischna est donc le recueil ou la compilation des traditions judaïques à tous les égards dont nous venons de parler ; maintenant voici l’histoire de ce recueil que j’emprunterai du célebre Prideaux.

Le nombre des traditions judaïques étoit si grand vers le milieu du second siecle sous l’empire d’Antonin le pieux, que la mémoire ne pouvoit plus les retenir, & que les Juifs se virent enfin forcés de les écrire. D’ailleurs, dans leur nouvelle calamité sous Adrien, ils avoient tout fraîchement perdu la plus grande partie de leurs savans ; leurs écoles les plus considérables étoient détruites, & presque tous les habitans de la Judée se trouvoient alors dispersés ; de cette maniere la voie ordinaire, dont se servoient leurs traditions, étoit devenue presque impraticable, de sorte qu’appréhendant qu’elles ne s’oubliassent & ne se perdissent, ils résolurent d’en faire un recueil.

Rabbi Judah, fils de Siméon, surnommé pour la sainteté de sa vie, Haccadoth ou le Saint, qui étoit recteur de l’école que les Juifs avoient à Tibérias en Galilée, & président du sanhedrin qui s’y tenoit alors, fut celui qui se chargea de cet ouvrage ; il en fit la compilation en six livres, dont chacun contient plusieurs traités : il y en a soixante-trois. Il rangea fort méthodiquement sous ces soixante-trois chefs tout ce que la tradition de leurs ancêtres leur avoit transmis jusques-là sur la religion & sur la loi. Voilà ce qu’on appelle la misna.

Ce livre fut reçu par les Juifs avec toute la vénération possible dans tous les lieux de leur dispersion, & continue encore aujourd’hui à être fort estimé ; car ils croient qu’il ne contient rien qui n’ait été dicté de Dieu lui-même à Moyse sur le mont Sinaï, aussi bien que la loi écrite ; & que par conséquent il est d’autorité divine & obligatoire tout comme l’autre. D’abord donc qu’il parut, tous leurs savans de profession en firent le sujet de leurs études, & les principaux d’entr’eux, tant en Judée qu’en Babylone, se mirent à travailler à le commenter. Ce sont ces commentaires qui, avec le texte même ou la misna, composent leurs deux talmulds, c’est-à-dire celui de Jérusalem & celui de Babylone. Ils appellent ces commentaires la gemare ou le supplément, parce qu’avec eux la misna se trouve avoir tous les éclaircissemens nécessaires, & le corps de la doctrine traditionnelle de leur loi & de leur religion est par-là complet ; la misna est le texte, la gemare est le commentaire, & les deux ensemble font le talmud. La misna étoit déja écrite l’an 150 de Jesus-Christ, & le commentaire le fut environ l’an 300. Voyez Gemare & Talmud. (D. J.)