L’Encyclopédie/1re édition/MINÉRAUX

MINÉRAUX, mineralia, (Hist. nat.) on se sert ordinairement de ce mot pour désigner en général toutes les substances qui se trouvent dans le sein de la terre ; alors c’est un synonyme de fossiles, voyez Fossiles. Dans cette signification étendue des minéraux, sont renfermés tous les corps non vivans & non organisés qui se trouvent dans l’intérieur de la terre & à sa surface ; tels sont les terres, les pierres, les métaux, les demi-métaux, les substances inflammables, les sels & les pétrifications.

Les végétaux vivent & croissent ; les animaux croissent, vivent & jouissent outre cela de l’instinct ou du sentiment : mais les minéraux sont susceptibles de croissance & d’altération, sans jouir ni de la vie ni du sentiment.

Quelques auteurs prennent le mot minéraux dans un sens moins étendu, & ils ne donnent ce nom qu’aux sels, aux substances inflammables, aux métaux & aux demi-métaux, c’est-à-dire, aux seules substances qui entrent dans la composition des mines ou glebes métalliques. Voyez Mines & Minéralisation. Ils refusent le nom de minéraux aux terres, aux pierres, &c. On ne voit point sur quoi cette distinction peut être fondée ; elle ne semble venir que de l’envie de multiplier les noms que l’on n’a déja que trop accumulés dans les différentes branches de l’Histoire naturelle. On doit donc en général comprendre sous les minéraux toutes les substances du regne minéral, ou qui appartiennent à la terre. Voyez Minéralogie.

Plusieurs naturalistes modernes ont cherché à ranger les minéraux dans un ordre systématique, ou suivant une méthode semblable à celle que les Botanistes ont adoptée pour le regne végétal. Le célebre M. Linnæus, dans son Sistema naturæ, divise les substances du regne minéral en trois classes ; savoir, 1°. les pierres, 2°. les mines, 3°. les fossiles. Il sous-divise les pierres en vitrifiables, en calcaires & en apyres : il sous-divise les mines en sels, en soufres ou substances inflammables, & en substances mercurielles, ce qui comprend les métaux & les demi-métaux : enfin il sous-divise les fossiles en concrétions, concreta, en pétrifications & en terres.

M. Jean Gotschalk Wallerius, de l’académie royale de Suede, & professeur de Chimie à Upsal, publia en langue suédoise en 1747, une Minéralogie ou Distribution méthodique des substances du regne minéral, accompagnée d’observations & de notes très-instructives ; c’est l’ouvrage le plus complet que nous ayons en ce genre. L’auteur ne s’est point contenté de donner une simple énumération des minéraux, il y a joint des descriptions très-exactes, des analyses chimiques d’après les meilleurs auteurs. Si l’on a quelque chose à reprocher à M. Wallerius, c’est d’avoir peut-être trop multiplié les sous-divisions, & d’avoir souvent fait des genres de ce qui n’auroit dû être regardé que comme espece, & d’avoir fait des especes de ce qui n’étoit que des variétés d’une même espece. Ce savant minéralogiste divise les fossiles ou minéraux en quatre classes ; savoir, les terres, les pierres, les mines & les pétrifications : il sous-divise ces quatre classes en quinze ordres ; savoir, 1°. les terres, en terres détachées, en terres argilleuses, en terres minérales & en sables.

2°. Les pierres sont sous-divisées en pierres calcaires, en pierres vitrifiables, en pierres apyres & en pierres de roches.

3°. Les mines sont sous-divisées en sels, en soufres, en demi-métaux, & en métaux.

4°. Les concrétions se sous-divisent en pores, en corps pétrifiés, en pierres figurées, & en calculs.

Chacun de ces ordres est encore sous-divisé en un grand nombre de genres, d’especes, & de variétés. Au reste, quoique l’on ait beaucoup d’objections à faire contre la distribution générale que M. Wallerius fait des minéraux, & quoique souvent il ait placé des substances dans des classes auxquelles elles n’appartiennent point, son travail mérite toute la reconnoissance des Naturalistes, qui sentiront la difficulté qu’il y avoit à mettre dans un ordre méthodique des corps aussi variés & aussi difficiles à connoître que les substances du regne minéral. La traduction françoise de la Minéralogie de Wallerius a été publiée à Paris en 1753.

M. Woltersdorff, dans son systema minerale, divise les minéraux en six classes : savoir,

1°. Les terres ; il les sous-divise en terres, en poussiere, en terres alkalines, en terres gypseuses, en terres vitrifiables.

2°. Les pierres, qu’il sons-divise en cinq ordres de même que les terres.

3°. Les sels, qu’il sous-divise en acides, en alkalis, & en sels neutres & moyens.

4°. Les bitumes, qui sont ou fluides ou solides.

5°. Les demi-métaux, qu’il divise aussi en fluides comme le mercure, & en solides.

6°. Les métaux, qui sont sous-divisés en parfaits & en imparfaits.

M. Frideric-Auguste Cartheuser, dans ses elementa Mineralogiæ, divise tous les minéraux en sept classes : savoir, 1°. en terres, dont les unes sont solubles dans l’eau, & les autres ne s’y dissolvent point. 2°. En pierres, qu’il sous-divise d’après leur tissu en feuilletées, en filamenteuses ou striées, en continues ou liées, en granulées & en mélangées. 3°. En sels, qui sont ou acides, ou alkalins, ou neutres, ou styptiques, tels que les vitriols & l’alun. 4°. En substances inflammables, il les sous-divise en naturelles & en bâtardes (genuina & puria) : les premieres sont les bitumes & le soufre ; les dernieres sont l’humus ou la terre végétale. 5°. Les demi-métaux, qu’il divise en solides qui souffrent le marteau, en solides qui ne souffrent point le marteau, & en fluides. 6°. Les métaux, qui sont ou volatils & flexibles, ou volatils & durs, ou fixes au feu. 7°. Les minéraux étrangers (heteromorpha), qui se divisent en vraies pétrifications, en fausses pétrifications, & en pierres figurées.

M. de Justi a publié en 1757 un ouvrage allemand sous le titre de plan du regne minéral, dans lequel il divise les substances fossiles : 1°. en métaux ; 2°. en demi métaux ; 3°. en substances inflammables ; 4°. en sels ; 5°. en pétrifications ou fossiles figurés ; 6°. en terres & pierres. M. Pott, dans sa Lithogéognosie, a cherché à ranger les substances minérales dans un ordre systématique, fondé sur leurs premiers principes que font connoître les analyses de la Chimie. Mais cette voie paroît devoir souvent tromper, parce que la plûpart des substances du regne minéral ne sont point pures, mais mélangées, & donnent en raison de leurs mélanges des résultats différens, sur-tout lorsqu’on les expose à l’action du feu.

Outre ces auteurs, M. Gellert, dans sa Chimie métallurgique, a encore donné une distribution méthodique des minéraux en terres, en pierres, en sels, en métaux & demi-métaux. C’est aussi ce qu’a fait M. Lehmann dans le premier volume de ses œuvres physiques & minéralogiques.

Parmi les Anglois, le docteur Woodward avoit déja tenté de ranger les fossiles ou minéraux suivant un ordre méthodique ; c’est ce qu’il a exécuté dans son ouvrage anglois qui a pour titre, an attempt towards a natural history of the fossils of England. Son système n’est fondé que sur la structure, le tissu & le coup-d’œil extérieur des corps, & par conséquent ne peut suffire pour faire connoître leur nature & les caracteres essentiels qui les distinguent les uns des autres. Depuis lui, M. Hill a publié en anglois, en 1748, une histoire naturelle générale des fossiles en un volume in folio, dans laquelle il donne une nouvelle division systématique des substances du regne minéral. Il les divise, 1°. en fossiles simples & non-métalliques ; 2°. en fossiles composés & non-métalliques ; 3°. en fossiles métalliques.

Il sous-divise les fossiles simples, 1°. en ceux qui ne sont ni inflammables, ni solubles dans l’eau ; 2°. en solubles dans l’eau & non inflammables ; 3°. en inflammables qui ne sont point solubles dans l’eau. Il emploie la même sous-division pour les fossiles composés. Enfin, les fossiles métalliques qui ont de la dureté & une pesanteur remarquable & qui sont fusibles au feu, se sous-divisent en substances métalliques parfaites & en métalliques imparfaites. Il fait ensuite un grand nombre de nouvelles sous-divisions en ordres & en genres, fondés sur des caracteres qui ne sont souvent que purement accidentels à ces corps. Enfin, il finit par donner à ces différentes substances des dénominations dérivées du grec, qui prouvent que l’auteur entend cette langue, mais qui, si on les adoptoit, rendroient l’étude de la Minéralogie beaucoup plus difficile qu’elle n’est, puisque l’on a déja lieu de se plaindre du grand nombre de dénominations inutiles que les auteurs ont introduites dans cette partie de l’histoire naturelle, & qui ne peuvent servir qu’à mettre de la confusion dans les idées des Naturalistes. Il seroit donc à souhaiter qu’au lieu de multiplier les mots, on cherchât à les simplifier & à bannir ceux qui sont inutiles, afin de rendre l’étude de la Minéralogie plus facile, & moins l’effet de la mémoire que de connoissances plus solides.

Enfin, M. Emmanuel Mendez d’Acosta, de la société royale de Londres, a publié en 1757 un ouvrage en anglois, sous le titre de natural history of fossils, dans lequel il donne un nouveau système pour l’arrangement des substances du regne minéral ; il a cherché à faire un système nouveau du regne minéral d’après les principes de Woodward & de Wallerius, en tâchant d’éviter les défauts dans lesquels ces deux auteurs sont tombés. M. d’Acosta décrit donc les qualités extérieures des fossiles, sans négliger pour ce a leurs qualités internes que l’on peut découvrir au moyen du feu & des dissolvans de la Chimie. Son ouvrage n’est point encore achevé, mais par ce qui en a paru on voit qu’il ne laisse pas d’y régner beaucoup de confusion, & l’on trouve à côté les unes des autres des substances qui ont des caracteres très-différens.

En général, on peut dire que toutes les divisions systématiques des minéraux qui ont paru jusqu’à présent, sont sujettes à un grand nombre de difficultés & d’objections : il est constant que le coup d’œil extérieur ne suffit point pour nous faire connoître les corps du regne minéral, souvent il peut nous tromper par la ressemblance extérieure que la nature a mise entre des substances qui différent intérieurement par des caracteres essentiels ; d’ailleurs cette connoissance superficielle des corps seroit stérile & infructueuse ; & comme l’histoire naturelle doit avoir pour objet l’utilité de la société, il faut avoir une connoissance des qualités internes des substances minérales, pour savoir les usages auxquels ils peuvent être employés ; & ce n’est que la Chimie qui puisse procurer cette connoissance. Or, il est très difficile de trouver un ordre méthodique qui présente les minéraux sous ces différens points de vûe à la fois ; il y a même peu d’espérance que l’on puisse jamais concilier ces deux choses. Cependant, il ne paroît point que l’on soit en droit pour cela de rejetter tout ordre systématique, ou toute méthode ; cela facilite toûjours, sur tout aux commençans, l’étude d’une partie de l’histoire naturelle, qui ne le cede point aux autres pour la variété de ses productions. Voyez Minéralogie. (—)