L’Encyclopédie/1re édition/MIHIR

MIHOHATS  ►

MIHIR, s. m. (Antiq. persan.) Mihir ou Mihr étoit une divinité persane que les Grecs & les Romains nommoient Mithra, qu’ils ont confondue avec le soleil, & qu’ils ont cru le principal objet du culte des Perses. Mais Hérodote, beaucoup mieux instruit de la religion & des mœurs persanes, que tous les écrivains qui l’ont suivi, nous en donne une idée fort différente. Les Perses, dit il, n’ont ni temple, ni statues, ni autels. Ils traitent ces pratiques d’extravagance, parce qu’ils ne pensent pas, comme les Grecs, que la nature des dieux ait rien de commun avec celle des hommes. Ils sacrifient à Jupiter sur le sommet des plus hautes montagnes, & donnent le nom de Jupiter à toute la circonférence du ciel. Ils offrent encore des sacrifices au soleil, à la lune, à la terre, au feu, à l’air & aux vents. Telle est, continue-t-il, l’ancienne religion du pays ; mais ils y ont joint dans la suite le culte de la Vénus céleste, ou Uranie, qu’ils ont emprunté des Assyriens & des Arabes. Les Assyriens l’appellent Mylita, les Arabes Alyta, & les Perses Mithra.

On voit par ce passage d’Hérodote, que le culte de Mithra étoit un culte nouveau, emprunté des étrangers, qui avoit pour objet non le soleil, mais la Vénus céleste, principe des générations, & de cette fécondité par laquelle les plantes & les animaux se perpétuent & se renouvellent.

Telle est l’idée que les anciens nous donnent de la Vénus Uranie, & celle qui répond aux différens noms sous lesquels elle étoit désignée. Maouledta dans le syrien d’aujourd’hui, signifie mere, genitrix : dans l’ancien persan, le mot miho ou mihio, signifie amour, bienveillance. De-là vient le nom de Mithridate, ou plus régulierement Méherdate, comme il se lit sur une inscription ancienne, ainsi que dans Tacite : c’est en persan mihio-dad, amour de la justice. Le nom d’atitta, employé par les Arabes, désignoit seulement le sexe de Venus Uranie : Ilahat, ou Alilaat, étoit encore au tems de Mahomet, le nom général des déesses inférieures, filles du Dieu supréme, dont il reproche le culte à ses compatriotes.

Le mihio des Perses, pris pour le nom de l’amour, sentiment naturel qui est le principe de l’union & de la fécondité des êtres vivans, convient parfaitement avec l’idée que les anciens avoient de la Vénus Uranie. Porphyre assure que le Mithra des Perses présidoit aux générations, & il rapporte à cette idée les différens attributs joints à la représentation de Mithra dans l’antre qui lui étoit consacré ; antre mystique, dont nous voyons une image sur quelques bas-reliefs & sur quelques pierres gravées.

Quoiqu’à certains égards le soleil puisse être considéré comme le principe & la cause physique de toutes les générations, ou du-moins de la chaleur qui leur est nécessaire, les Persans ne l’ont jamais confondu avec mihio. Le mot mihio n’entre dans aucune des différentes dénominations qu’ils donnent à cet astre ; & les Mages postérieurs protestent que ni eux ni leurs ancêtres, n’ont jamais rendu de culte au soleil, aux élémens, & aux parties de l’univers matériel ; & que leur culte n’a jamais eu d’autre objet que le Dieu suprême, & les intelligences qui gouvernent l’univers sous ses ordres.

Les nations situées à l’occident de la Perse, accoutumées à un culte dont les objets étoient grossiers & sensibles, firent une idole du mihio des Persans, & le confondirent avec le feu & le soleil. Les Romains embrasserent la même erreur, & instituerent les fêtes appellées Mithriagues, fêtes bien différentes de celles que les Persans nommoient Mihragan, & qu’ils célébroient solemnellement en l’honneur de Vénus Uranie. Voyez Mitra, fête de (Antiq. rom.) D. J.