L’Encyclopédie/1re édition/MESQUINERIE

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MESQUINERIE, s. f. (Morale.) dépense & épargne sordide ; en effet, ce vice opposé à la libéralité paroît autant dans un avare, lorsqu’il donne, que lorsqu’il épargne. Theophraste a fait un tableau vivant des mesquins de la Grece ; il faut en transcrire ici quelques passages.

Cette espece d’avarice, dit-il, est dans les hommes une passion de vouloir ménager les plus petites choses, sans aucune fin honnête ; c’est dans cet esprit, que quelques-uns faisant l’effort de donner à manger, lorsqu’ils ne peuvent l’éviter, comptent pendant le repas, le nombre de fois que chacun des conviés demande à boire. Ce sont eux encore dont la portion des prémices des viandes que l’on envoie sur l’autel de Diane, est toujours la plus petite. Ils apprécient les choses au-dessous de ce qu’elles valent, & de quelque bon marché qu’un autre en leur rendant compte, veuille se prévaloir, ils lui soutiennent toujours qu’il a acheté trop cher. Implacables à l’égard d’un valet qui aura laissé tomber un pot de terre, ou cassé par malheur quelque vase d’argile, ils lui déduisent cette perte sur sa nourriture. Ne prenez point l’habitude, disent-ils, à leurs femmes, de prêter votre sel, votre orge, votre farine, ni même du cumin, de la marjolaine, & des gâteaux pour l’autel ; car ces petits détails ne laissent pas de monter à la fin d’une année à une grosse somme. Ces sortes d’avares portent des habits qui leur sont trop courts & trop étroits : ils se déchaussent vers le milieu du jour pour épargner leurs souliers ; ils vont trouver les foulons pour leur recommander de se servir de craye dans la laine qu’ils leur ont donnée à préparer, afin, disent-ils, que leur étoffe se tache moins.

Plaute s’est aussi diverti à peindre dans le personnage d’Euction, un vieillard romain de la derniere mesquinerie. On peut voir les plaisans exemples qu’en alleguent deux cuisiniers, dans la piece intitulée Aulularia, act. ij. scen. 4. où l’un d’eux après quelques traits que l’autre lui en contoit, s’écrie :

Edepol mortalem, parcè parcum, predicas.

Ce parcè pareus est une expression énergique, qui peint à merveille ce que nous nommons un mesquin, mot vraissemblablement tiré de l’italien meschino. (D. J.)