L’Encyclopédie/1re édition/MENNONITE

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MENNONITE, s. m. (Hist. eccl. mod.) les chrétiens connus dans les Provinces-Unies, & dans quelques endroits de l’Allemagne, sous le nom Mennonites, ont formé une société à part, presque dès le commencement de la réformation. On les appella d’abord Anabaptistes ; & c’est le nom qu’ils portent encore en Angleterre, où ils sont fort estimés. Cependant ce nom étant devenu odieux par les attentats des fanatiques de Munster, ils le quitterent dès-lors ; & ils ne l’ont plus regardé depuis, que comme une sorte d’injure. Celui de Mennonites leur vient de Menno Frison, qui se joignit à eux, en 1536, & qui par sa doctrine, ses écrits, sa piété, sa sagesse, contribua plus qu’aucun autre à éclairer cette société, & à lui faire prendre ce caractere de simplicité dans les mœurs, par lequel elle s’est distinguée dans la suite, & dont elle se fait toujours honneur.

Les Mennonites furent exposés aux plus cruelles persécutions sous Charles-Quint. Les crimes que proscrit cet empereur par son placard de 1540, sont d’avoir, de vendre, donner, porter, lire des livres de Luther, de Zuingle, de Mélancthon, de prêcher leur doctrine, & de la communiquer secrettement ou publiquement. Voici la peine portée contre ces crimes, & qu’il est sévérement défendu aux juges d’adoucir, sous quelque prétexte que ce soit : les biens sont confisqués, les prétendus coupables condamnés à périr par le feu, s’ils persistent dans leurs erreurs ; & s’ils les avouent, ils sont exécutés, les hommes par l’épée, & les femmes par la fosse, c’est-à-dire, qu’on les enterroit en vie : même peine contre ceux qui logent les Anabaptistes, ou qui sachant où il y en a quelques-uns de cachés, ne les décelent point. Les cheveux dressent à la tête quand on lit de pareils édits. Est-ce que la religion adorable de J. C. a pû jamais les inspirer ?

Le malheur des Mennonites voulut encore qu’ils eussent à souffrir en divers lieux de la part des autres protestans, qui, dans ces commencemens, lors même qu’ils se croyoient revenus de beaucoup d’erreurs, retenoient encore celle qui pose que le magistrat doit sévir contre des opinions de religion, comme contre des crimes.

Mais la république des Provinces-Unies a toujours traité les Mennonites, assez peu différemment des autres protestans. Tout le monde sait quelle est leur façon de penser. Ils s’abstiennent du serment ; leur simple parole leur en tient lieu devant les magistrats. Ils regardent la guerre comme illicite ; mais si ce scrupule les empêche de défendre la patrie de leurs personnes, ils la soutiennent volontiers de leurs biens. Ils ne condamnent point les charges de magistrature ; seulement pour eux-mêmes, ils aiment mieux s’en tenir éloignés. Ils n’administrent le baptême qu’aux adultes, en état de rendre raison de leur foi. Sur l’eucharistie, ils ne différent pas des réformés.

A l’égard de la grace & de la prédestination, articles épineux, sur lesquels on se partage encore aujourd’hui, soit dans l’église romaine, soit dans le protestantisme, les Mennonites rejettent les idées rigides de S. Augustin, adoptées par la plûpart des réformateurs, sur-tout par Calvin, & suivent à-peu-près les principes radoucis que les Luthériens ont pris de Mélancthon. Ils professent la tolérance, & supportent volontiers dans leur sein des opinions différentes des leurs, dès qu’elles ne leur paroissent point attaquer les fondemens du christianisme, & qu’elles laissent la morale chrétienne dans sa forme. En un mot, les successeurs de fanatiques sanguinaires sont les plus doux, les plus paisibles de tous les hommes, occupés de leur négoce, de leurs manufactures, laborieux, vigilans, modérés, charitables. Il n’y a point d’exemple d’un si beau, si respectable, & si grand changement ; mais, dit M. de Voltaire, comme les Mennonites ne font aucune figure dans le monde, on ne daigne pas s’appercevoir s’ils sont méchans ou vicieux. (D. J.)