L’Encyclopédie/1re édition/MATRONALES

◄  MATRICULE
MATRONE  ►

MATRONALES, (Littér. rom.) matronalia, matronales feriæ, fêtes que les gens mariés célébroient religieusement à Rome le premier jour de Mars ; les femmes en mémoire de ce qu’à pareil jour les Sabines qui avoient été enlevées par les Romains, firent la paix entre leurs maris & leurs peres ; & les hommes pour attirer la faveur des dieux sur leur mariage. Ovide vous indiquera les autres causes de l’institution des matronales ; je me contenterai de dire qu’on les célébroit avec beaucoup de plaisir & de pompe.

Les femmes se rendoient le matin au temple de Junon & lui présentoient des fleurs, dont elles étoient elles-mêmes couronnées. Les poëtes aimables n’oublioient pas de leur en rappeller la mémoire. Ovide leur recommande expressément de ne jamais perdre courage :

Ferte deæ flores, gaudet florentibus herbis
Hæc dea ; de tenero cingite flore caput.

Les dames romaines de retour à la maison y passoient le reste du jour extrèmement parées, & y recevoient les félicitations & les présens que leurs amis & leurs maris leur offroient ou leur envoyoient, comme pour les remercier encore de cette heureuse médiation qu’elles avoient faite autrefois. Les hommes mariés ne manquoient pas dans la matinée du même jour de se rendre au temple de Janus, pour lui faire aussi leurs sacrifices & leurs adorations.

La solemnité finissoit par de somptueux festins que les maris donnoient à leurs épouses, car cette fête ne regardoit que les gens mariés ; c’est pour cela qu’Horace écrivoit à Mécene, ode viij. liv. III. « Mécene, vous êtes sans doute surpris de ce que vivant dans le célibat, je me mets en frais pour le premier jour de Mars, dont la solemnité n’intéresse que les personnes engagées dans le mariage : vous ne savez pas à quoi je destine ces corbeilles de fleurs, ce vase plein d’encens, & ce brasier que j’ai placé sur un autel revêtu de gazon ; la reconnoissance le veut & l’exige. A pareil jour, Brutus me garantit de la chûte d’un arbre dont je pensai être écrasé, &c. » :

Martiis coelebs quid agam calendis,
Quid velint flores, &c.

Dans cette fête des matronales, les dames accordoient à leurs servantes les mêmes privileges dont les esclaves jouissoient à l’égard de leurs maîtres dans les saturnales : in martio matronæ servis suis cænas ponebant, sicut saturnalibus domini. En un mot, c’étoit un jour de joie pour le sexe de tout rang & de tout étage. (D. J.)