L’Encyclopédie/1re édition/MASSALIEN

MASSALIEN, s. m. (Théolog.) nom d’anciens sectaires qui ont été ainsi appellés d’un mot hébreu qui signifie priere, parce qu’ils croyoient qu’il falloit toûjours être en priere.

Les Grecs les nomment Euchites, Ευχιται, qui signifie la même chose en leur langué. Voyez Euchite.

Saint Epiphane distingue deux sortes de Masaliens, savoir, les anciens & les nouveaux.

Les premiers ne sont, selon lui, ni juifs, ni chrétiens, ni samaritains ; mais des gentils qui reconnoissant plusieurs dieux n’adorent cependant aucun d’eux : ils n’adorent qu’un seul Dieu qu’ils appellent le Tout-Puissant. Ces anciens Massaliens, dit le même saint Epiphane, qui sont sortis des Gentils, ont fait bâtir en quelques lieux des oratoires semblables à nos églises. Ils s’y assemblent pour prier & pour chanter des hymnes en l’honneur de Dieu. Ces églises sont éclairées de flambeaux & de lampes. Cette description que saint Epiphane a faite des anciens Massaliens approche si fort de la vie des Esséniens, que Scaliger a prétendu qu’on ne devoit point les distinguer de ceux-ci. Voyez Esséniens.

A l’égard des autres Massaliens qui étoient chrétiens de profession, ils ne faisoient que de naître au tems de saint Epiphane. Ils prétendoient que la priere seule suffisoit pour être sauvé. Plusieurs moines qui aimoient à vivre dans l’oisiveté & qui ne vouloient point travailler, se jetterent dans le parti des Massaliens. Dictionnaire de Trévoux.

A cette oisiveté déja si condamnable ils ajoutoient plusieurs erreurs très-pernicieuses : savoir, que le jeûne & les sacremens n’étoient d’aucune efficace ; que la priere seule leur donnoit la force de surmonter les tentations, qu’elle chassoit le démon & effaçoit les péchés que le baptême n’avoit fait que couper, pour ainsi dire, sans les extirper. Ils ajoutoient que chaque homme avoit deux ames, l’une céleste, & un démon que la priere chassoit ; qu’ils voyoient la Trinité de leurs yeux corporels ; qu’ils parvenoient à la ressemblance avec Dieu & à l’impeccabilité. Ils s’attribuoient le don de prophétie & des inspirations particulieres du Saint-Esprit, dont ils se persuadoient de ressentir la présence dans leurs ordinations (car ils avoient des évêques & des prêtres) ; alors ils se mettoient à danser disant qu’ils dansoient sur le diable, ce qui leur fit donner le nom d’enthousiastes ou de possédés. Ils eurent aussi celui de saccophores parce qu’ils se revêtoient d’un sac, mais non pas tous ; car on leur reproche aussi d’avoir porté des robes magnifiques, & donné dans une mollesse à peine supportable dans des femmes. Les empereurs firent des lois contre eux ; leurs conversions simulées & leurs fréquentes rechutes engagerent les évêques, assemblés dans un concile en 427, à défendre qu’on les reçût dans l’Eglise de l’indulgence de laquelle ils avoient tant de fois abusé. Saint August. de heres. c. lvij. Theodoret, hæretic. fabul. liv. IV. Baronius, ad ann. Christ. 361, num. 34. 35. &c.