L’Encyclopédie/1re édition/MARTYR

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MARTYR, s. m. (Théol.) celui qui souffre des peines, des supplices & même la mort pour la défense de la vérité de l’Evangile.

Le mot martyr est grec, μαρτυς, & signifie proprement témoin. On le donne par excellence à tous ceux qui souffrent la mort pour la vérité de l’Evangile.

Autrefois ceux qui étoient exilés pour la foi, & qui mouroient dans les guerres de religion étoient tenus pour martyrs. Du tems de S. Augustin & de S. Epiphane, on donnoit le titre de martyrs aux confesseurs qui avoient souffert quelques tourmens pour Jesus-Christ, encore qu’on ne leur eût pas ôté la vie.

C’est la pensée de Tertulien dans son apologétique. Plures efficimur, quoties metimur à vobis ; semen est sanguis Christianorum. cap. l.

On compte 19 mille 700 martyrs qui souffrirent le martyre à Lyon avec S. Irénée, sous l’empire de Severe ; 6666 soldats de la légion thébéenne que la persécution fit périr dans les Gaules. Le P. Papebrock compte 16 mille martyrs abyssins, & 150 mille autres sous le seul Dioclétien.

Dodwel avoit fait une dissertation exprès pour montrer que le nombre des martyrs qui ont souffert sous les empereurs romains est très-médiocre. Il prétendoit que ce qu’on en trouve dans les peres se réduisoit à peu de chose, & que si l’on excepte Néron & Domitien, les autres empereurs avoient fait peu de martyrs. Le P. Ruinard a montré au contraire que l’on n’a point enflé le catalogue des martyrs. Le carnage fut grand, & la persécution sanglante sous les premiers empereurs, en particulier sous Dioclétien.

Le P. Papebrock, dans ses acta sanctorum, en compte un nombre presqu’infini. Il n’y a presque point de religion qui n’ait eu ses martyrs, si l’on prend le titre de martyrs dans un sens général pour ceux qui meurent pour la défense de leur religion, soit vraie, soit fausse. Mais les théologiens catholiques soutiennent, après les peres, que ce nom ne convient qu’à ceux qui perdent la vie pour la vérité de l’Evangile dans l’unité de l’Eglise catholique ; ainsi ils le refusent à ceux qui meurent pour le nom de Jesus-Christ, mais dans le schisme ou dans l’hérésie. Leur maxime capitale sur cette matiere est que ce n’est point le supplice qu’on souffre, mais la cause pour laquelle on souffre qui constitue les martyrs. Martyrum non facit pæna sed causa. Ce que S. Augustin explique très bien dans ce passage, en parlant des Donatistes qui vantoient la constance de leurs prétendus martyrs. Jactant fallaciter innocentiam suam, & quam non possunt à Domino accipere, ab hominibus quoerunt martyrum gloriam. Veri autem martyres illi sunt de quibus Dominus ait : beati qui persecutionem patiuntur propter justitiam ; non ergo qui propter iniquitatem & propter christianæ unitatis impiam divisionem, sed qui propter justitiam persecutionem patiuntur, hi martyres veri sunt… Ideo in psalm. xlij. vox illa intelligenda est vererum martyrum volentium se discerni à martyribus falsis : judica me Deus, & discerne causam meam de gente non sanctâ : non dicit, discerne pœna meam, sed discerne causam meam. Potest enim esse impiorum similis poena, sed dissimilis est martyrum causa. S. August. Epist. l. veter. edit. Ce qui a fait dire à S. Cyprien, dans son livre de l’unité de l’Eglise, qu’un schismatique peut bien être massacré pour la défense de certaines vérités, mais non pas couronné : talis occidi potest, coronari non potest. Ou il faut admettre ces principes, ou confondre le fanatisme avec la religion.

On conservoit anciennement avec soin les actes des souffrances & de la mort des martyrs qui avoient versé leur sang pour la défense de la religion chrétienne. Cependant, malgré toute la diligence qu’on y apportoit, il nous est resté peu de ces actes. Eusebe composa un martyrologe pour réparer ces pertes ; mais il n’a point passé jusqu’à nous, & ceux que l’on a rétablis depuis sont très-suspects. Voyez Martyrologe.

L’ere des martyrs est une ere que l’Egypte & l’Abyssinie ont suivie & suivent encore, & que les Mahométans même ont souvent marquée depuis qu’ils sont maîtres de l’Egypte. On la prend du commencement de la persécution de Dioclétien, qui fut l’an de Jesus-Christ 302 ou 303. L’ere des martyrs s’appelle aussi l’ere de Dioclétien.