L’Encyclopédie/1re édition/MARTINIENES, chroniques

MARTINIENES, chroniques (Hist. Littér.) ouvrage ainsi nommé, parce que presque toute la premiere partie est une traduction de la chronique latine de Martin le Polonois, dominicain, qui fleurissoit en Italie au milieu du treizieme siecle. Cet auteur écrivit en deux colonnes, mettant d’un côté les papes depuis saint Pierre, & sous chacun l’histoire de sa vie & les événemens ecclésiastiques arrivés de son tems ; de l’autre les empereurs romains depuis Auguste, avec un extrait de quelques-unes de leurs actions, & les principaux événemens civils & politiques.

Cette chronique a été conduite par l’auteur jusqu’en 1276 ; il mourut l’année suivante dans le tems qu’il venoit d’être nomme à l’archevêché de Gnesne en Pologne par le pape Nicolas III. son ouvrage fut fort estimé durant le reste du siecle, & on en fit plusieurs copies : celles qui furent faites les dernieres ont à la tête du livre, immédiatement après le prologue, une histoire abregée depuis la création du monde, dans laquelle l’auteur s’étend principalement sur le peuple romain.

Il ne s’écoula pas cinquante ans, qu’un autre auteur entreprit une seconde chronique, en adoptant celle de Martin, qu’il continua jusqu’à son tems : il fut suivi par deux autres écrivains, qui pousserent leurs recherches vers l’an 1400. Voilà ce qui forme le premier volume des chroniques martinienes : le second volume de ces chroniques ne porte le nom de martinienes que par ce qu’il est joint au premier volume, dont le prologue, l’histoire romaine, & le plus grand nombre des faits, sont tirés de l’ouvrage de Martin le Polonois. Il est certain que presque tout ce qui est contenu dans ce second volume n’a jamais été écrit qu’en françois : il forme un recueil de différens morceaux qui regardent l’histoire de France, à quelques articles près ; c’est une espece de chronique du royaume & de nos rois, depuis l’an 1400, jusqu’à l’an 1500.

On doit à Antoine Verard, libraire à Paris, l’édition unique de cette collection, qu’il donna un peu après l’an 1500 ; & cette édition des chroniques martinienes est d’autant plus estimable que les chroniques latines dont elles sont la traduction, n’ont jamais été imprimées.

Voici le titre qui est à la tête de tout l’ouvrage, & qui regarde les deux volumes joints ensemble : « la chronique martiniene de tous les papes qui furent jamais, & finit au pape Alexandre dernier, décédé en 1503, & avec ce, les additions de plusieurs chroniqueurs ; c’est à à savoir de messire Ververon, chanoine de Liege, monseigneur le chroniqueur Castel, monseigneur Gaguin, général des Mathurins,& autres.

La derniere édition latine de la chronique de Martinus Polonus est faite à Cologne en 1616, infolio. L’imprimé de Martinus forme deux colonnes, l’une des papes pour l’histoire ecclésiastique, & l’autre des empereurs pour l’histoire politique de l’empire & des royaumes. On trouve deux exemplaires des chroniques martinienes à la bibliotheque du Roi. Quoiqu’il y ait autant de chapitres dans ces chroniques, qu’il y a eu de papes depuis saint Pierre jusqu’à Clément V. cet ouvrage n’est pas pour cela une simple chronique des souverains pontifes ; c’est une histoire abregée de l’Eglise, des empereurs romains, & des rois de France, jusques à l’an 1315 ; tous les faits différens y sont rapportés sous l’article de chaque pape. La continuation des chroniques martinienes est de Bernard Guidonis, mort en 1331. Le second volume de la chronique martiniene, ainsi qualifiée par l’imprimeur Verard vers l’an 1500, est un ramas de différens livres manuscrits concernant l’histoire de France.

Nous avons cru devoir parler ici de cet ouvrage. parce qu’il est fort rare, que le P. le Long n’en a donné aucune notice, & que cependant il contient des fragmens de l’histoire de France qu’on ne trouve pas ailleurs. Ceux qui voudront s’en instruire à fond, peuvent consulter le mémoire de M. l’abbé le Bœuf sur les chroniques martinienes, inséré dans le recueil de l’acad. des Inscript. tome XX. in-4o. (D. J.)