L’Encyclopédie/1re édition/MARCHÉ

MARCHÉ, s. m. (Commerce.) place publique dans un bourg ou une ville où on expose des denrées en vente. Voyez Boucherie & Forum.

Marché signifie aussi un droit ou privilege de tenir marché, acquis par une ville, soit par concession, soit par prescription.

Bracton observe qu’un marché doit être éloigné d’un autre au moins de six milles & demi, & un tiers de moitié.

On avoit coutume autrefois en Angleterre de tenir des foires & des marchés les dimanches & devant les portes des églises, de façon qu’on satisfaisoit en même tems à sa dévotion & à ses affaires. Cet usage, quoique défendu par plusieurs rois, subsista encore jusqu’à Henri VI. qui l’abolit entierement. Il y a encore bien des endroits où l’on tient les marchés devant les portes des églises.

Le marché est différent de la foire en ce que le marché n’est que pour une ville ou un lieu particulier, & la foire regarde toute une province, même plusieurs. Les marchés ne peuvent s’établir dans aucun lieu sans la permission du souverain.

A Paris, les lieux où se tiennent les marchés ont différens noms. Quelques-uns conservent le nom le marché, comme le marché neuf, le marché du cimetiere de saint Jean, le marché aux chevaux, &c. d’autres se nomment places, la place maubert, la place aux veaux ; d’autres enfin s’appellent halles, la halle au blé, la halle aux poissons, la halle à la farine.

Il y a, dans toutes les provinces de France, des marchés considérables dans les principales villes, qui se tiennent à certains jours reglés de la semaine. On peut en voir la liste dans le dictionnaire de Commerce, tome III. pag. 293 & suiv.

Marché de Naumbourg. C’est ainsi qu’on nomme en Allemagne une foire célebre qui se tient tous les ans dans cette ville de Misnie. On regarde ce marché comme une quatrieme foire de Leipsick, parce que la plûpart des marchands de cette derniere ville ont coutume de s’y trouver. Il commence le 29 Juin, & ne dure que huit jours.

Marché ou bourse aux grains. On nomme ainsi à Amsterdam un grand bâtiment ou halle, où les marchands de grains tant de la ville que du dehors s’assemblent tous les lundis, mercredis & vendredis, & où leurs facteurs portent & vendent sur montre les divers grains dont on juge tant sur la qualité que sur le poids, en en pesant quelques poignées dans de petites balances, pour évaluer quelle sera la pesanteur du sac & du last.

Marché de Petersbourg. Voyez Lawks.

Marché se dit encore du tems auquel se fait la vente. Il y a ordinairement dans chaque ville deux jours de marché par semaine.

Marché se dit pareillement de la vente & du débit qui se fait à beaucoup ou à peu d’avantage. Il faut voir le cours du marché. Le marché n’a pas été bon aujourd’hui. Chaque jour de marché on doit enregistrer au greffe le prix courant du marché des grains. Dictionnaire de Commerce, tome III. pag. 296.

Marché, (Commerce.) en général signifie un traité par le moyen duquel on échange, on troque, on achete quelque chose, ou l’on fait quelque acte de commerce.

Marché se dit plus particulierement, parmi les marchands & négocians, des conventions qu’ils font les uns avec les autres, soit pour fournitures, achats, ou trocs de marchandises sur un certain pié, ou moyennant une certaine somme.

Les marchés se concluent ou verbalement sur les simples paroles, en donnant par l’acheteur au vendeur des arrhes, ce qu’on appelle donner le denier à Dieu ; ou par écrit, soit sous signature privée, soit pardevant notaires.

Les marchés par écrit doivent être doubles, l’un pour le vendeur, l’autre pour l’acheteur.

On appelle marché en bloc & en tâche, celui qui se fait d’une marchandise dont on prend le fort & le foible, le bon & le mauvais ensemble, sans le distinguer ni le séparer. Dictionnaire de Commerce.

Marché. (Comn.) Dans le commerce d’Amsterdam on distingue trois sortes de marchés : le marché conditionnel, le marché ferme, & le marché à option, qui tous trois ne se font qu’à terme ou à tems.

Les marchés conditionnels sont ceux qui se font des marchandises que le vendeur n’a point encore en sa possession, mais qu’il sait être déja achetées & chargées pour son compte par ses correspondans dans les pays étrangers, lesquelles il s’oblige de livrer à l’acheteur à leur arrivée au prix & sous les conditions entr’eux convenues.

Les marchés fermes sont ceux par lesquels le vendeur s’oblige de livrer à l’acheteur une certaine quantité de marchandises, au prix & dans le tems dont ils sont demeurés d’accord.

Enfin les marchés à option sont ceux par lesquels un marchand s’oblige, moyennant une somme qu’il reçoit & qu’on appelle prime, de livrer ou de recevoir une certaine quantité de marchandises à un certain prix & dans un tems stipulé, avec liberté néanmoins au vendeur de ne la point livrer & à l’acheteur de ne la point recevoir, s’ils le trouvent à propos, en perdant seulement leur prime.

Sur la nature, les avantages ou désavantages de ces différentes sortes de marchés, la maniere de les conclure, la forme & les clauses des contrats qui les énoncent, on peut voir le traité du négoce d’Amsterdam par le sieur Picard, & ce qu’en dit d’après cet auteur M. Savary. Dictionnaire de Commerce.

Marché, (Commerce.) se dit du prix des choses vendues ou achetées. En ce sens, on dit j’ai eu bon marché de ce vin, de ce blé, &c. c’est-à-dire, que le prix n’en a pas été considérable. C’est un marché donné, pour dire que le prix en est très-médiocre. C’est un marché fait, pour exprimer que le prix d’une marchandise est reglé, & qu’on n’en peut rien diminuer.

Il y a aussi plusieurs expressions proverbiales ou familieres dans le commerce où entre le mot de marché, comme boire le vin du marché, mettre le marché à la main, &c.

Il est de principe dans le commerce, qu’il faut se défier d’un marchand qui donne ses marchandises à trop bon marché, parce qu’ordinairement il n’en agit ainsi que pour se préparer à la fuite ou à la banqueroute, en se faisant promptement un fonds d’argent pour le détourner. Dictionnaire de Commerce.

Marchés de Rome, (Antiq. rom.) places publiques à Rome, pour rendre la justice au peuple, ou pour y exposer en vente les vivres & autres marchandises. Les marchés que les Romains appelloient fora, sont encore au nombre des plus superbes édifices qui fussent dans la ville de Rome pour rendre la justice au peuple. C’étoient de spacieuses & larges places quarrées ou quadrangulaires, environnées de galeries, soutenues par des arcades, à-peu-près comme la place royale à Paris, mais ces sortes d’édifices à Rome étoient beaucoup plus grands & plus superbes en architecture. Ammien Marcellin rapporte que le marché de Trajan, forum Trajani, passoit pour une merveille par le nombre d’arcades posées artistement les unes sur les autres, de sorte que Constantius, après l’avoir vû, désespéra de pouvoir faire rien de semblable. Strabon parlant du forum Romanum, dit qu’il étoit si beau, si bien accompagné de galeries, de temples & autres édifices magnifiques, ut hæc singula contemplans, facilè alia omnia oblivione delebit.

Outre ces marchés destinés aux assemblées du peuple, il y avoit à Rome quatorze autres marchés pour la vente des denrées, qu’on appelloit fora venalia ; tels étoient le forum olitorium, le marché aux herbes où se vendoient les légumes : ce marché étoit auprès du ment Capitolin. On y voyoit un temple dédié à Junon, matuta ; & un autre consacré à la piété. Il y avoit la halle au vin, vinarium ; le marché aux bœufs, forum boarum ; le marché au pain, forum pistorium ; le marché au poisson ou la poissonnerie, forum piscarium ; le marché aux chevaux, forum equarium ; le marché aux porcs, forum suarium.

Il y avoit encore un marché que nous ne devons pas oublier, le marché aux friandises, où étoient les rôtisseurs, les pâtissiers & les confiseurs, forum cupedinarium : Festus croit que ce mot vient de cupedia, qui signifie chez les Latins des mets exquis ; mais Varron prétend que ce marché prit son nom d’un chevalier romain nommé Cupes, qui avoit son palais dans cette place, lequel fut rasé pour ses larcins, & la place employée à l’usage dont nous venons de parler.

Quoi qu’il en soit, tous les marchés de Rome destinés à la vente des denrées & marchandises, étoient environnés de portiques & de maisons, garnies d’étaux & de grandes tables, sur lesquelles chacun exposoit les denrées & marchandises dont il faisoit commerce. On appelloit ces étaux, abaci & operaria mensa.

Onuphre Panvini, dans son ouvrage des régions de Rome, vous donnera la description complette de tous les marchés de cette ancienne capitale du monde ; c’est assez pour nous d’en rassembler ici les noms : le forum ronanum ou le grand marché ; forum Cæsaris ; Augusti ; boarium ; transitorium ; olitorum ; pistorium ; Trajani ; Ænobarbi ; suarium ; archæmorium ; Diocletiani ; equarium ; rusticorum ; Cupedinis ; piscarium ; Salusti. Il y faut ajouter la halle au vin, vinarium Voyez nos Pl. d’Antiq. (D. J.)