L’Encyclopédie/1re édition/MANGANESE, MAGALAISE, MAGNÉSIE

MANGANESE, MAGALAISE, MAGNÉSIE, MAGNÉSE, s. f. (Hist. nat. Minéralogie.) magnesia, substance minérale assez semblable à l’aimant ; elle est d’un gris noirâtre, composée à l’intérieur de stries comme l’antimoine, sans que la masse totale ait une figure réguliere & déterminée. Wallerius en compte quatre especes ; savoir, 1°. la manganese ou magnésie compacte ou solide, la manganese striée, la manganese par écailles, & la manganese dont les parties sont cubiques. Quelques gens ont distingué la manganese en mâle & en femelle, mais la différence étoit uniquement fondée sur le plus ou le moins de longueur des stries dont elle étoit composée.

Cette substance se trouve en Piémont ; il s’en rencontre aussi en Styrie, en Misnie, en Bohème, en Silésie, en Norwege & en Angleterre, &c. Quelques auteurs françois semblent avoir confondu la manganese avec le périgueux qui est une pierre noire ; d’autres l’ont confondue avec le cobalt ou le saffre. Henckel & Wallerius ont cru que la manganese étoit une mine de fer qui en contenoit très-peu à la vérité ; mais M. Pott a fait voir dans les miscellanea berolinensia, année 1740, que cette substance pure ne contient pas le moindre atôme de fer, & lorsqu’il s’y en trouve ce n’est qu’accidentellement, & ce métal n’est point essentiel à sa composition. Voyez la Lithogéognosie, tome II. p. 251.

Le plus grand usage de la manganese ou magnésie est dans les verreries ; on s’en sert pour nettoyer le verre, & le dégager de la couleur verte qui lui est très-ordinaire, voilà pourquoi on l’a quelquefois appellée le savon du verre. Mais pour que la manganese produise cet effet, il faut avoir grand soin de prendre un juste milieu, & de n’en mêler ni trop, ni trop peu, à la fritte, c’est-à-dire, à la composition du verre ; en effet, en en mettant trop, le verre deviendroit d’une couleur brune & enfumée, en en mettant trop peu, il seroit trop blanc ; c’est de-là, suivant M. Henckel, que vient la différence qui se trouve entre le verre de Venise, qui est ordinairement noirâtre parce qu’on y fait entrer trop de manganese, & le verre de Bohème qui est blanc comme du crystal. Il faut aussi observer de laisser le verre assez long-tems en fusion, pour que la manganese ait le tems de le nettoyer & de le débarrasser parfaitement de sa verdeur. Avant que d’employer cette substance à cet usage on aura soin de la calciner, ou de la griller parfaitement pour la dégager des matieres étrangeres qui pourroient nuire à la couleur du verre. En mêlant une certaine quantité de cette manganese grillée avec du verre, on pourra lui donner une couleur d’un très-beau rouge. Les potiers se servent aussi de la manganese pour donner un vernis ou une couverte noire à leurs poteries.

Les Alchimistes, accoutumés à pervertir toutes les dénominations, ont donné le nom latin de magnesia à plusieurs substances qui n’ont aucun rapport avec celle que l’on vient de décrire. C’est ainsi que Rulandus dit que la magnésie est la même chose que la marcassite, qui se combine avec le mercure & qui forme avec lui une masse blanche & cassante ; dans un autre endroit il dit que c’est la matiere de la pierre philosophale, enfin il la confond avec le bismuth. D’autres auteurs ont entendu par-là le mercure tant véritable que celui des métaux ; d’autres ont désigné sous ce nom le cobalt & la pyrite. Voyez la Pyrithologie, ch. ij.

Il ne faut point confondre la substance dont il s’agit ici avec celle que les Chimistes appellent magnesia ou magnésie blanche, qui est un produit de l’art. Voyez Magnésie. (—)