L’Encyclopédie/1re édition/MALHEUREUX, MISÉRABLE

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MALHEUREUX, MISÉRABLE. (Gramm.) On dit indifféremment une vie malheureuse, une vie misérable ; c’est un malheureux ; c’est un homme misérable. Mais il y a des endroits où l’un de ces deux mots est bon, & l’autre ne vaut rien. On est malheureux au jeu, on n’y est pas misérable ; mais on devient misérable, en perdant beaucoup au jeu. Misérable semble marquer un état fâcheux, soit que l’on y soit né, soit que l’on y soit tombé. Malheureux semble marquer un accident qui arrive tout-à-coup, & qui ruine une fortune naissante ou établie. On plaint proprement les malheureux ; on assiste les misérables. Voici deux vers de Racine qui expriment fort bien la différence de ces deux mots :

Haï, craint, envié, souvent plus misérable
Que tous les malheureux que mon pouvoir accable.


De plus, misérable a d’autres sens que malheureux n’a pas ; car on dit d’un méchant auteur & d’un méchant ouvrage : c’est un auteur misérable, cela est misérable. On dit encore à-peu-près dans le même sens : Vous me traitez comme un misérable ; c’est-à-dire, vous n’avez nulle considération, nul égard pour moi. On dit encore : c’est un misérable, en parlant d’un homme méprisable par sa bassesse & par ses vices. Enfin misérable s’applique aux choses inanimées, aux tems, aux saisons. (D. J.)