L’Encyclopédie/1re édition/MÉROÉ, île de

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MÉROÉ, île de, (Géog. anc.) île ou plutôt presqu’île de la haute Egypte. Ptolomée, l. IV. c. viij. dit qu’elle est formée par le Nil qui la baigne à l’occident, & par les fleuves Astape & Astaboras qui la mouillent du côté de l’orient. Diodore & Strabon donnent à cette île 120 lieues de longueur sur 40 de large, & à la ville de Méroé 16 degrés 30′ de latitude septentrionale.

Il n’y a rien de plus célebre dans les écrits des anciens que cette île de Méroé, ni rien de plus difficile à trouver par les modernes. Si ce que les anciens en ont raconté est véritable, cette île pouvoit mettre en armes deux cens cinquante mille hommes, & nourrir jusqu’à quatre cens mille ouvriers. Elle renfermoit plusieurs villes, dont la principale étoit celle de Méroé qui servoit de résidence aux reines ; je dis aux reines, parce qu’il semble que c’étoient des femmes qui régnoient dans ce pays-là, puisque l’histoire en cite trois de suite, & toutes ces trois s’appelloient Candace : Pline nous apprend que depuis long-tems ce nom étoit commun aux reines de Méroé.

Mais la difficulté de trouver cette île dans la Géographie moderne, est si grande, que le pere Tellez, jésuite, & autres, se sont laissé persuader qu’elle étoit imaginaire ; cependant le moyen de révoquer en doute son existence, après tous les détails qu’en ont fait les anciens ? Pline rapporte que Simonide y a demeuré cinq ans, & qu’après lui, Aristocréon, Bion & Basilis, ont décrit sa longueur, sa distance de Syene & de la mer Rouge, sa fertilité, sa ville capitale, & le nombre des reines qu’elle a eu pour souveraines. Ludolf, sans avoir mieux réussi que le pere Tellez à trouver cette île, n’a pas douté néanmoins qu’elle n’existât.

Les peres Jésuites qui ont été en Ethyopie, semblent convaincus que l’île de Méroé n’est autre chose que le royaume de Gojam, qui est presque tout entouré de la riviere du Nil, en forme de presqu’île ; mais cette presqu’île qui fait le royaume de Gojam est formée par le Nil seul ; point d’Astape, point d’Astaboras, je veux dire, aucune riviere que l’on puisse supposer être l’Astape & l’Astaboras, ce qui est contre la description que les anciens en ont faite. Ajourez que la ville de Méroé, capitale du pays, étoit placée entre le 16 & le 17 degré de latitude septentrionale, & le royaume de Gojam ne passe pas le 13 degré.

L’opinion de M. de Lisle est donc la seule vraissemblable. Il conjecture que l’île de Méroé des anciens est ce pays qui est entre le Nil & les rivieres de Tacaze & de Dender, & il établit cette conjecture par la situation du pays, par les rivieres qui l’arrosent, par son étendue, par sa figure, & par quelques autres singularités communes à l’île de Méroé, & au pays en question. Voyez-en les preuves dans les Mém. de l’acad. des Sc. ann. 1708. Je remarquerai seulement que la riviere de Tacaze a bien l’air d’être en effet l’Astaboras des anciens, & le Donder d’être l’Astape, parce qu’il n’y a que ces deux rivieres, au-moins de quelque considération, qui entrent immédiatement dans le Nil du côté de l’orient. (D. J.)