L’Encyclopédie/1re édition/LOUDUN

LOUDUN, (Géog.) ville de France en Poitou. On la nomme en latin, castrum Lausdunense, Losdunum, Lavesdunum, Laucidunum, & Laudunum.

Macrin & les freres Sainte-Marthe sont les premiers qui, par une licence poétique, ont donné à cette ville le nom de Juliodunum, que Chevreau & quelques autres ont tâché de lui conserver.

Il est certain qu’on doit la mettre au rang des anciennes villes, puisqu’avant l’an 1000, elle figuroit déja comme un lieu considérable, & la principale place du Loudunois soumis à l’obéissance des comtes d’Anjou. Voyez à ce sujet ce qu’en dit Longuerue, dans sa description de la France, I. partie, pag. 151.

Cette ville se fit considérer dans les guerres civiles du seizieme siecle, & par sa situation, & par son château, que Louis XIII. démolit en 1633. Le couvent des Ursulines de Loudun se rendit célebre dans la même année, par l’histoire de la possession imaginaire de plusieurs de ses religieuses, & par la condamnation d’Urbain Grandier, qui fut une des malheureuses victimes de la haine du cardinal de Richelieu. On pourroit opposer ce seul trait de la vie du grand ministre de Louis XIII. à tous les éloges si fades & si bas que lui prodiguent nos académiciens lors de leur réception à l’académie françoise.

Loudun est située sur une montagne à douze lieues N. O. de Poitiers, quinze S. O. de Tours, soixante-deux S. O. de Paris. Long. 17. 42. lat. 47. 2.

Il me reste à dire que cette ville est la patrie de plusieurs gens de lettres, parmi lesquels je ne dois pas oublier de nommer Mrs. Bouilland, Chevreau, Macrin, Renaudot, & les freres de Sainte-Marthe.

Bouilland (Ismael) possédoit la Théologie, l’Histoire, les belles-Lettres, & les Mathématiques ; j’en ai pour preuve les divers ouvrages qu’il a publiés, & le journal des savans, tom. XXIII. pag. 126. Ses voyages en Italie, en Allemagne, en Pologne, & au Levant, lui procurerent des connoissances qu’on n’acquiert que par ce moyen. Il mourut à Paris en 1694, âgé de quatre-vingt-neuf ans. Son éloge se trouve parmi les hommes illustres de Perrault.

Chevreau (Urbain) savant & bel esprit, qui a eu beaucoup de réputation, mais elle ne s’est pas soutenue ; l’histoire du monde, son meilleur ouvrage, souvent réimprimé, fourmille de trop de fautes pour qu’on puisse le louer. M. Chevreau est mort en 1701, à quatre-vingt huit ans.

Macrin (Jean) un des meilleurs poëtes latins du seizieme siecle, au jugement de M. de Thou, qui a fait son éloge ; son vrai nom étoit Maigret : il s’appella Macrinus dans ses poésies latines, d’où lui vint le nom de Macrin en françois, qui lui est demeuré. Il mourut de vieillesse dans sa patrie en 1555.

Renaudot (Théophraste) medecin, mort en 1653 à soixante dix ans, commença le premier en 1631, à publier les nouvelles publiques si connues sous le nom de gazettes. Il a eu pour petit-fils, l’abbé Renaudot, savant dans l’histoire & les langues orientales, mort à Paris en 1720 âgé de soixante-quatorze ans.

Mais les freres jumeaux, Scévole & Louis de Sainte-Marthe, fils du premier Scévole, enterrés tous les deux à Paris a S. Severin dans le même tombeau, furent très-illustres par leur savoir. On a d’eux l’histoire généalogique de la maison de France, la Gallia Christiana pleine d’érudition, & plusieurs autres ouvrages. Scévole mourut à Paris en 1650 à soixante-dix-sept ans, & Louis en 1656.

Leur pere Scévole leur avoit servi d’exemple dans la culture des sciences. C’est lui qui réduisit Poitiers sous l’obéissance d’Henri IV. & qui sauva la ruine de Loudun, où il finit ses jours en 1623, âgé de soixante-dix-huit ans. On doit le mettre au rang des meilleurs poëtes latins de son siecle. C’est une famille bien noble que celle de Sainte-Marthe, car elle n’a produit que des gens de mérite, qui tous ont prolongé leur carriere dans le sein des Muses, jusqu’à la derniere vieillesse. Aucun d’eux n’est mort avant l’âge de soixante dix ans. Nous ne voyons plus de familles aussi heureusement organisées que l’étoit celle des Sainte-Marthe. (D. J.)