L’Encyclopédie/1re édition/LONDRES

LONDRES, (Géog.) en bon latin Londinium, (voyez ce mot) & en latin moderne Londinum, capitale de la grande Bretagne, le siege de la monarchie, l’une des plus anciennes, des plus grandes, des plus riches, des plus peuplées & des plus florissantes villes du monde. Elle étoit déja très-célebre par son commerce du tems de Tacite, copiâ negociatorum ac commeatuum maximè celebre ; mais Ammien Marcellin a été plus loin, il a tiré l’horoscope de sa grandeur future : Londinium, dit-il, vetus oppidum, quod Augustam posteritas adpellabit.

Elle mérite aujourd’hui ce titre à tous égards. M. de Voltaire la présente dans sa Henriade, comme le centre des arts, le magasin du monde & le temple de Mars.

Pour comble d’avantages, elle jouit du beau privilege de se gouverner elle-même. Elle a pour cet effet, ses cours de justice, dont la principale est nommée, commun-council, le conseil-commun ; c’est une espece de parlement anglois, composé de deux ordres ; le lord maire & les échevins, représentent la chambre des seigneurs ; & les autres membres du conseil, au nombre de 231, choisis dans les différens quartiers de la ville, représentent la chambre des communes. Cette cour seule a le pouvoir d’honorer un étranger du droit de bourgeoisie. C’est dans cette cour que se font les lois municipales, qui lient tous les bourgeois, chacun y donnant son consentement, ou par lui-même, ou par ses représentans ; en matieres ecclésiastiques, la ville est gouvernée par son évêque, suffragant de Cantorbery.

Londres contient cent trente-cinq paroisses, & par conséquent un grand nombre d’églises, dont la cathédrale nommée S. Paul, est le plus beau bâtiment qu’il y ait dans ce genre, après S. Pierre de Rome. Sa longueur de l’orient à l’occident, est de 570 piés ; sa largeur du septentrion au midi, est de 311 piés ; son dôme depuis le rez de chaussée, est d’environ 338 piés de hauteur. La pierre de cet édifice qui fut commencé en 1667, après l’incendie, & qui fut promptement achevé, est de la pierre de Portland, laquelle dure presque autant que le marbre.

Les Non-conformistes ont dans cette ville environ quatre-vingt assemblées ou temples, au nombre desquels les protestans étrangers en ont pour eux une trentaine ; & les Juifs y jouissent d’une belle synagogue.

On compte dans Londres cinq mille rues, environ cent mille maisons, & un million d’habitans.

Cette capitale, qui selon l’expression des auteurs anglois, éleve sa tête au-dessus de tout le monde commerçant, est le rendez-vous de tous les vaisseaux qui reviennent de la Méditerrannée, de l’Amérique & des Indes orientales. C’est elle, qui après avoir reçu les sucres, le tabac, les indiennes, les épiceries, les huiles, les fruits, les vins, la morue, &c. répand toutes ces choses dans les trois royaumes : c’est aussi dans son sein que viennent se rendre presque toutes les productions naturelles de la grande Bretagne. Cinq cens gros navires y portent continuellement du charbon de terre ; que l’on juge par ce seul article, de l’étonnante consommation qui s’y fait des autres denrées nécessaires à la subsistance d’une ville si peuplée. Les provinces méditerranées qui l’entourent, transportent dans ses murs toutes leurs marchandises, soit qu’elles les destinent à y être consommées, ou à être embarquées pour les pays étrangers. Vingt mille mariniers sont occupés sur la Tamise à conduire à Londres, ou de Londres dans les provinces, une infinité de choses de mille especes différentes. Enfin, elle est comme le ressort qui entretient l’Angleterre dans un mouvement continuel.

Je ne me propose point d’entrer ici dans de plus grands détails sur ce sujet. John Stow a comme immortalisé les monumens de cette ville immense, par son ample description, que l’auteur de l’état de la grande Bretagne a poursuivi jusqu’à ce jour ; on peut les consulter.

Mais je ne puis m’empêcher d’observer, que la plûpart des belles choses, ou des établissemens importans qu’on y voit, sont le fruit de la munificence de ses citoyens estimables qui ont été épris de l’amour du bien public, & de la gloire d’être utiles à leur patrie.

L’eau de la nouvelle riviere, dont les habitans de Londres jouissent, outre l’eau de la Tamise, est dûe aux soins, à l’habileté & à la générosité du chevalier Hughes Middleton. Il commença cet ouvrage de ses propres deniers en 1608, & le finit au bout de cinq ans, en y employant chaque jour des centaines d’ouvriers. La riviere qui fournit cette eau, prend sa source dans la province de Hartford, fait 60 milles de chemin, avant que d’arriver à Londres, & passe sous huit cent ponts.

La bourse royale, cet édifice magnifique destiné aux assemblées des négocians, & qui a donné lieu à tant d’excellentes réfléxions de M. Addisson dans le spectateur, fut fondée en 1566 par le chevalier Thomas Gresham, négociant, sous le regne d’Elisabeth. C’est aujourd’hui un quarre long de 230 piés de l’orient à l’occident, & de 171 piés du septentrion au midi, qui a couté plus de 50 mille livres sterling ; mais comme il produit 4 mille livres sterling de rente, on peut le regarder pour un des plus riches domaines du monde, à proportion de sa grandeur.

Le même Gresham, non content de cette libéralité, bâtit le college qui porte son nom, & y établit sept chaires de professeurs, de 50 liv. sterling par an chacune, outre le logement.

On est redevable à des particuliers, guidés par le même esprit, de la fondation de la plûpart des écoles publiques, pour le bien des jeunes gens : par exemple, l’école nommée des Tailleurs, où l’on enseigne cent écoliers gratis ; cent pour deux shellins 6 sols chacun par quartier ; & cent autres pour cinq shellins chacun par quartier, (ce qui ne fait que 3 ou 6 livres de notre monnoie par tête, pour trois mois.) Cette école, dis-je, a été fondée par Thomas White, marchand tailleur, de Londres ; il devint échevin de la ville, & ensuite fut créé chevalier.

M. Sutton acheta en 1611 le monastere de la Chartreuse, 13 mille liv. sterling, & en fit un hôpital pour y entretenir libéralement quatre-vingt personnes, tirées d’entre les militaires & les négocians.

Ce même citoyen crut aussi devoir mériter quelque chose de ses compatriotes qui voudroient cultiver les lettres. Dans cette vûe, il fonda une école, pour apprendre le latin & le grec à quarante jeunes gens, dont les plus capables passeroient ensuite à l’université de Cambridge, où d’après sa fondation, l’on fournit annuellement à chacun d’eux, pour leur dépense pendant huit ans, 30 liv. sterling.

La statue de Charles II. qui est dans Soho-Square, a été élevée aux frais du chevalier Robert Viner.

Mais la bourse de Gresham, & tous les bâtimens dont nous venons de parler, périrent dans l’incendie mémorable de 1666, par lequel la ville de Londres fut presque entierement détruite. Ce malheur arrivé après la contagion, & au fort d’une triste guerre contre la Hollande, paroissoit irréparable. Cependant, rien ne fait tant voir la richesse, l’abondance & la force de cette nation, quand elle est d’accord avec elle-même, que le dessein formé par elle, d’abord que l’embrasement eut cessé, de rétablir de pierres & de briques sur de nouveaux plans, plus réguliers & plus magnifiques, tout ce que le feu avoit emporté d’édifices de bois, d’aggrandir les temples & les lieux publics, de faire les rues plus larges & plus droites, & de reprendre le travail des manufactures & de toutes les branches du commerce en général, avec plus de force qu’auparavant ; projet qui passa dans l’esprit des autres peuples, pour une bravade de la nation Angloise, mais dont un court intervalle de tems justifia la solidité. L’Europe étonnée, vit au bout de trois ans, Londres rebâtie, plus belle, plus réguliere, plus commode qu’elle n’étoit auparavant ; quelques impôts sur le charbon, & sur-tout l’ardeur & le zéle des citoyens, suffirent à ce travail, également immense & couteux ; bel exemple de ce que peuvent les hommes, dit M. de Voltaire, & qui rend croyable ce qu’on rapporte des anciennes villes de l’Asie & de l’Egypte, construites avec tant de célérité.

Londres se trouve bâtie dans la province de Middlesex, du côté septentrional de la Tamise, sur un côteau élevé, situé sur un fond de gravier, & par conséquent très-sain. La riviere y forme une espece de croissant ; la marée y monte pendant quatre heures, baisse pendant huit, & les vaisseaux de charge peuvent presque arriver jusqu’au pont de cette métropole ; ce qui est un avantage infini pour le prodigieux commerce qu’elle fait.

Son étendue de l’orient à l’occident, est au moins de huit milles ; mais sa plus grande largeur du septentrion au midi, n’a pas plus de deux milles & demi. Comme Londres est éloignée de la mer d’environ 60 milles, elle est à couvert dans cette situation de toute surprise de la part des flottes ennemies.

Sa distance est à 85 lieues S. E. de Dublin, 90 S. d’Edimbourg, 100 N. O. de Paris, 255 N. E. de Madrid, 282 N. O. de Rome, & 346 N. E. de Lisbonne, avec laquelle néanmoins elle a une poste reglée chaque semaine, par le moyen de ses pacquebots.

Par rapport à d’autres grandes villes, Londres est à 70 lieues N. O. d’Amsterdam, 170 S. O. de Copenhague, 240 O. de Vienne, 295 S. O. de Stockholm, 280 O. de Cracovie, 530 O. de Constantinople & de Moscow.

Long. suivant Flamstead & Cassini, 17. 26. 15. lat. 51. 31. La différence des méridiens entre Paris & Londres, ou pour mieux dire entre l’observatoire de Paris & de celui de Gresham, est de 2. 20. 45. dont Londres est plus à l’occident que Paris. (D. J.)

Londres, (Géog.) ville de l’Amérique méridionale dans le Tucuman, bâtie en 1555, par Tarita, gouverneur du Tucuman : le fondateur la nomma Londres, pour faire sa cour à la reine Marie d’Angleterre, fille d’Henri VIII. qui venoit d’épouser Philippe II. roi d’Espagne. Long. 313. 25. lat. mérid. 29. (D. J.)