L’Encyclopédie/1re édition/LITHOMANCIE

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LITHOMANCIE, s. f. (Divinat.) divination par les pierres, comme le porte ce nom tiré du grec, & composé de λίθος, pierre, & de μαντεία, divination.

On n’a que quelques conjectures incertaines sur cette espece de divination. Dans le poëme des pierres attribué à Orphée, il est fait mention d’une qu’Apollon donna à Helenus le troyen. Cette pierre, dit le poëte, s’appelle siderités, & a le don de la parole ; elle est un peu raboteuse, dure, pesante, noire, & a des rides qui s’étendent circulairement sur sa surface. Quand Helenus vouloit employer la vertu de cette pierre, il s’abstenoit pendant 21 jours du lit conjugal, des bains publics, & de la viande des animaux ; ensuite il faisoit plusieurs sacrifices, il lavoit la pierre dans une fontaine, l’enveloppoit pieusement, & la portoit dans son sein. Après cette préparation qui rendoit la pierre animée, pour l’exciter à parler, il la prenoit à la main, & faisoit semblant de la vouloir jetter. Alors elle jettoit un cri semblable à celui d’un enfant qui desire le lait de sa nourrice. Helenus profitant de ce moment, interrogeoit la pierre sur ce qu’il vouloit savoir, & en recevoit des réponses certaines : c’est sur ces réponses qu’il prédit la ruine de Troie sa patrie.

Dans ce qui nous reste des prétendus oracles de Zoroastre, il est mention d’une pierre que Pline nomme astroite, qu’il faut offrir en sacrifice, dit Zoroastre, lorsqu’on verra un demon terrestre s’approcher. Delrio & Psellus appellent cette pierre mizouris, minzouris, & minsuris, & ajoutent qu’elle avoit la vertu d’évoquer les génies & d’en tirer les réponses qu’on souhaitoit ; mais les poëmes d’Orphée & de Zoroastre sont des ouvrages supposés : cherchons donc dans des sources plus certaines des traces de la lithomancie.

On en trouve dans l’Ecriture au livre du Lévitique, chap. xxvj. vers. 1. où Moïse défend aux Israélites d’ériger des pierres pour objet de leur culte. La vulgate porte insignem lapidem, quelques-uns croyent qu’il faut in signum lapidem, & que c’est une faute des copistes, car la version des septante porte λιθος σκοπον, c’est-à-dire à la lettre, lapidem signum : ce qu’on peut aussi entendre de la défense que Moïse fit aux Israélites d’adorer les pierres. Mais il y a apparence que les Chananéens & les Phéniciens consultoient les pierres comme des oracles ; & ces pierres ainsi divinisées, sont connues dans toute l’antiquité sous le nom de bœtiles ou pierres animées qui rendoient des oracles. Voyez Bœtiles. Mem. de l’acad. des Inscript. tom. VI. pag. 514. 525. & 531. Delrio, Disquisit. magiq. lib. IV. ch. xj. quæst. vij. sect. 1. pag. 555. On rapporte encore à la lithomancie la superstition de ceux qui pensent que la pierre précieuse qu’on nomme amethiste, a la vertu de faire connoître à ceux qui la portent, les événemens futurs par les songes.