L’Encyclopédie/1re édition/LIBERTINAGE

LIBERTINAGE, s. m. (Mor.) c’est l’habitude de céder à l’instinct qui nous porte aux plaisirs des sens ; il ne respecte pas les mœurs, mais il n’affecte pas de les braver ; il est sans délicatesse, & n’est justifié de ses choix que par son inconstance ; il tient le milieu entre la volupté & la débauche ; quand il est l’effet de l’âge ou du tempérament, il n’exclud ni les talens ni un beau caractere ; César & le maréchal de Saxe ont été libertins. Quand le libertinage tient à l’esprit, quand on cherche plus des besoins que des plaisirs, l’ame est nécessairement sans goût pour le beau, le grand & l’honnête. La table, ainsi que l’amour, a son libertinege ; Horace, Chaulieu, Anacréon étoient libertins de toutes les manieres de l’être ; mais ils ont mis tant de philosophie, de bon goût & d’esprit dans leur libertinage, qu’ils ne l’ont que trop fait pardonner ; ils ont même eu des imitateurs que la nature destinoit à être sages.