L’Encyclopédie/1re édition/LATIUM le

LATIUM le, (Géog. anc.) c’est-à-dire le pays des Latins ; mais heureusement nous avons plus accoutumé nos yeux & nos oreilles au mot même qu’à la périphrase. Le Latium est une contrée de l’ancienne Italie, située au levant du Tibre, & au midi du Teverone, aujourd’hui Anio.

Ovide nous dit d’après la Fable, que Saturne ayant été chassé du ciel par son fils Jupiter, se tint caché quelque tems dans cette contrée d’Italie, & que du mot latere, se cacher, étoit venu le nom de Latium, & celui de Latini, que prirent le pays & les habitans. Mais Varron aime mieux tirer l’origine du mot Latium, de ce que ce pays est en quelque façon caché entre les précipices des Alpes & de l’Apennin ; & quant aux Latins, ils dérivent leur nom du roi Latinus, que Virgile a ingénieusement supposé beau-pere d’Enée, pour lui faire jouer un grand rôle dans son Enéide.

Rien n’est plus obscur ni plus incertain que l’ancienne histoire du Latium, quoique Denis d’Halicarnasse ait fait tous ses efforts pour la débrouiller, & réduire les fables ainsi que les traditions populaires à des vérités historiques.

Strabon prétend que l’ancien Latium renfermoit un très-petit pays, qui s’accrut insensiblement par les premieres victoires de Rome contre ses voisins ; de sorte que de son tems le Latium comprenoit plusieurs peuples qui n’appartenoient point à l’ancien Latium, comme les Rutules, les Volsques, les Eques, les Herniques, les Aurunces ou Ausones, jusqu’à Sinuesse, c’est-à-dire une partie de la terre de Labour, jusqu’au couchant du golfe de Gaëte.

Il faut donc distinguer le Latium ancien du Latium nouveau ou augmenté. Les Rutules, les Volsques, les Eques, les Herniques, les Aurunces exclus de l’ancien Latium, sont compris dans le second ; & ni l’un ni l’autre Latium ne quadre exactement avec ce que nous appellons la campagne de Rome, quoi qu’en disent Ortelius & les modernes qui l’ont copié. L’ancien Latium est trop petit pour y répondre, & le second est trop grand, puisque le Liris aujourd’hui le Garillan, y naissoit & n’en sortoit point depuis ses sources jusqu’à son embouchure. On juge bien que dans l’Enéide il n’est question que de l’ancien Latium pris dans sa plus petite étendue. Virgile le surnomme Hesperium, mais Horace l’appelle ferox, féroce.

Il faut convenir que jamais épithete n’a mieux peint l’ancien Latium que celle d’Horace, s’il est vrai qu’autrefois on y sacrifioit tous les ans deux hommes à Saturne, & qu’on les précipitoit dans le Tibre de la même maniere que les Leucadiens précipitoient un criminel dans la mer. C’est Ovide qui nous rapporte cette tradition ; ensuite il ajoûte qu’Hercule ayant été témoin de ce sacrifice en passant par le Latium, n’en put soutenir la cruauté, & qu’il fit substituer des hommes de paille à de véritables hommes. (D. J.)