L’Encyclopédie/1re édition/LÉGIONAIRE

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LÉGIONAIRE, s. m. (Hist. anc.) soldat des légions romaines ; c’est le nom qu’on donnoit sur-tout aux fantassins, car les cavaliers retenoient le nom d’equites. On distinguoit dans chaque légion de quatre especes de soldats dans l’infanterie : les vélites, les hastaires, les princes & les triaires. Les vélites, autrement nommés antesignani, parce qu’on les plaçoit avant les enseignes, aux premiers rangs, & qu’ils commençoient le combat, étoient armés à la légere d’un petit bouclier rond, d’un pié & demi de diametre, & d’un petit casque d’un cuir fort ; du reste, sans armure pour être plus dispos. Leurs armes offensives étoient l’épée, le javelot & la fronde. Ils ne servoient que pour escarmoucher. Ils se rangeoient d’abord à la queue des troupes, & de-là, par les intervalles ménagés entre les cohortes, ils s’avançoient sur le front de la bataille pour harceler les ennemis ; mais dès qu’ils étoient une fois poussés, ils rentroient par les mêmes intervalles ; & de derriere les bataillons qui les couvroient, ils faisoient voler sur l’ennemi une grêle de pierres ou de traits. Ils étoient aussi chargés d’accompagner la cavalerie pour les expéditions brusques & les coups de main. On croit que les Romains n’instituerent les vélites dans leurs légions qu’après la seconde guerre punique, à l’exemple des Carthaginois, qui dans leur infanterie avoient beaucoup de frondeurs & de gens de trait. Selon Tite-Live, il n’y avoit que 20 vélites par manipule ; ce qui faisoit soixante par cohorte, & six cens par légion, quand la légion étoit de six mille hommes. Avant qu’ils fussent admis, les soldats qui composoient l’infanterie légere, s’appelloient rorarii & accensi. On supprima les vélites quand on eut accordé le droit de bourgeoisie romaine à toute l’Italie ; mais on leur substitua d’autres armés à la légere. Le second corps des légionaires étoient ceux qu’on nommoit hastaires, d’un gros javelot qu’ils lançoient, & que les Latins appellent hasta, arme différente de la pique punique : celle-ci est trop longue & trop pesante pour être lancée avec avantage. Ils étoient pesamment armés du casque, de la cuirasse & du bouclier, de l’épée espagnole & du poignard. Ils faisoient la premiere ligne de l’armée. Après eux venoient les princes, armés de même aussi-bien que les triaires, à l’exception que ceux-ci portoient une espece d’esponton court, dont le fer étoit long & fort. On les opposoit ordinairement à la cavalerie, parce que cette arme étoit plus de résistance que les javelines & les dards des princes & des hastaires. On donna aux triaires ce nom, parce qu’ils formoient la troisieme ligne & l’élite de l’armée ; mais dans les nouveaux ordres de bataille qu’introduisit Marius, on plaça les triaires aux premiers rangs : c’étoient toujours les plus vieux & les plus riches soldats qui formoient les triaires, & c’étoit devant eux qu’on portoit l’aigle de la légion. On ne pouvoit entrer dans ce corps avant l’âge de 17 ans, & outre cela il falloit être citoyen romain : cependant il y eut des circonstances où l’on y admit des affranchis ; & après l’âge de 46 ans on n’étoit plus obligé de servir. Le tems du service des légionaires n’étoit pourtant que de 16 ans. Avant Septime Severe il n’étoit pas permis aux légionaires de se marier, ou du moins de mener leurs femmes en campagne avec eux. La discipline militaire de ces soldats étoit très-sévere ; ils menoient une vie dure, faisoient de longues marches chargés de pesans fardeaux ; & soit en paix, soit en guerre, on les tenoit continuellement en haleine, soit en fortifiant des places & des camps, soit en formant ou en réparant les grands chemins : aussi voit-on peu d’occasions où cette infanterie romaine ne soit demeurée victorieuse.