L’Encyclopédie/1re édition/LÉAOTUNG

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LÉAOTUNG, (Géog.) vaste contrée de la Chine, dont elle est séparée par la grande muraille & le golfe de Cang, tandis que la Corée & les montagnes d’Yalo la séparent du pays des Tartares Bogdois du Niuchèz. Ses habitans, plus guerriers & moins industrieux que les Chinois, n’aiment ni le Commerce ni l’Agriculture, quoique leur pays y soit propre.

Il a plusieurs montagnes, entr’autres celle de Changpé, qui court jusque dans la Tartarie, depuis grande muraille, & qui est celebre par son lac de 80 stades d’étendue. C’est dans cette montagne que le Yalo, & le Quentung prennent leurs sources.

Les lieux de la province, où il n’y a point de montagnes, sont stériles en froment, millet, légumes & fruits.

Ce pays produit le gin-sing, ainsi que le Canada, & fournit de même des fourrures de castors, de martes & de zibelines. Chan-Yang a de nos jours usurpé la place de Léaoyang, qui en étoit la métropole.

On sait les étranges révolutions que le royaume de Léaogund éprouva dans le dernier siecle. M. de Voltaire en a peint toute l’histoire en quatre pages.

Au nord-est de cette province il y avoit quelques hordes de tartares Mantcheoux, que le vice-roide Léaogund traita durement. Ils firent, comme les anciens scythes, des représentations hardies. Le gouverneur, pour réponse, brûla leurs cabanes, enleva leurs troupeaux, & voulut transplanter les habitans. Alors ces tartares, qui étoient libres, se choisirent un chef pour se venger. Ce chef, nommé Taitsou, battit les Chinois, entra victorieux dans la contrée de Léaotung, & se rendit maître de la capitale en 1622.

Taitsou mourut en 1626 au milieu de ses conquêtes ; mais son fils Taitsong marchant sur ses traces, prit le titre d’empereur des Tartares, & s’égala à l’empereur de la Chine.

Il reconnoissoit un seul dieu comme les lettrés chinois, & l’appelloit le tien comme eux. Il s’exprime ainsi dans une de ses lettres circulaires aux Mandarins des provinces chinoises. « Le tien éleve qui il lui plaît ; il m’a peut-être choisi pour être votre maître ». Il ne se trompoit pas ; depuis 1628 il remporta victoires sur victoires, établit des lois au milieu de la guerre, & enleva au dernier empereur du sang chinois toutes ses provinces du nord, tandis qu’un mandarin rebelle, nommé Litsching, se saisit de celles du midi : ce Litsching fut tué au milieu de ses succès.

Les Tartares ayant perdu leur empereur Taitsong en 1642, nommerent pour chef un de ses neveux encore enfant, qui s’appelloit Changti. Sous ce chef, qui périt à l’âge de 24 ans en 1661, & sous Chamhi, qu’ils élurent pour maître à l’âge de 8 ans, ils conquirent pié-à-pié tout le vaste empire de la Chine. Le tems n’a pas encore confondu la nation conquérante avec le peuple vaincu, comme il est arrivé dans nos Gaules, en Angleterre & ailleurs ; mais les Tartares ayant adopté sous Cham-hi les lois, les usages & la religion des Chinois, les deux nations n’en composeront bien-tôt qu’une seule.