L’Encyclopédie/1re édition/JUPITER

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JUPITER, s. m. (Astron.) une des planetes supérieures, remarquable par son éclat, & qui se meut autour de la terre dans l’espace d’environ douze ans, par un mouvement qui lui est propre. Voyez Planete.

Jupiter est situé entre Saturne & Mars ; il tourne autour de son axe en 9 heures 56 minutes, & acheve sa révolution périodique autour du soleil en 4332 jours 12 heures 20′. 9″. Le caractere par lequel les astronomes marquent Jupiter, est ♃.

Jupiter est la plus grande de toutes les planetes ; il paroît par les observations astronomiques, que son diametre est à celui du soleil comme 1077 à 10000 ; à celui de Saturne, comme 1077 à 889, & à celui de la terre, comme 1077 à 104. La force de gravité sur sa surface est à celle qui agit sur la surface du soleil, comme 797 est à 10000 ; à celle de Saturne, comme 797, 15 à 534, 337 ; à celle de la terre, comme 797, 15 à 407, 832. La densité de sa matiere est à celle du soleil comme 7404 à 10000 ; à celle de Saturne, comme 7404 à 6011 ; à celle de la terre, comme 7404 à 3921. La quantité de matiere qu’il contient, est à celle du soleil comme 9, 248 à 10000 ; à celle de Saturne comme 9, 248 à 4, 223 ; à celle de la terre, comme 9, 248, à 00044. Voyez l’article Gravitation, où nous avons enseigné la maniere de trouver les masses des planetes qui ont des satellites. Voyez aussi les articles Révolution, Diametre, &c.

La moyenne distance de Jupiter au soleil est de 5201 parties, dont la moyenne du soleil à la terre en contient 2000, quoique Kepler ne la fasse que de 5196 de ces parties. Selon M. Cassini, la moyenne distance de Jupiter à la terre, est de 115000 demi-diametre de la terre. La distance de Jupiter au soleil étant au moins cinq fois plus grande que celle de la terre au soleil, Grégory en conclut que le diametre du soleil ou de Jupiter ne paroîtroit pas la cinquieme partie de ce qu’il nous paroît, & par conséquent que son disque seroit vingt-cinq fois moindre, & sa lumiere & sa chaleur moindres en même proportion. Voyez Qualité.

L’inclinaison de l’orbite de Jupiter, c’est-à-dire l’angle que forme le plan de son orbite avec le plan de l’écliptique, est de 20′. Son excentricité est de 250 sur 1000 ; & Huyghens a calculé que sa surface est quatre cent fois aussi grande que celle de la terre. Au reste on observe dans les mouvemens de cette planete plusieurs irrégularités dont on peut voir le détail dans les institutions astronomiques de M. le Monnier, pag. 570. & ces irrégularités sont vraissemblablement occasionnées en grande partie par l’action de Saturne sur cette planete. On peut voir aussi sur ce sujet la piece de M. Euler qui a remporté le prix de l’académie des Sciences en 1748.

Quoique Jupiter soit la plus grande de toutes les planetes, c’est néanmoins celle dont la révolution autour de son axe, est la plus prompte. On a remarqué que son axe est plus court que le diametre de son équateur ; & leur rapport, suivant M. Newton, est celui de 8 à 9 ; de sorte que la figure de Jupiter est celle d’un spheroïde applati ; la vitesse de sa rotation rendant la force centrifuge de ses parties fort considérable, fait que l’applatissement de cette planete est beaucoup plus sensible que celui d’aucune autre. M. de Maupertuis l’a démontré dans les Mémoires de l’académie de 1734, & dans son discours sur la figure des astres.

Jupiter paroît presque aussi grand que Venus ; mais il est moins brillant ; il est quelquefois éclipsé par la Lune, par le Soleil, & même par Mars.

Jupiter a des bandes ou zones que M. Newton croit se former dans son atmosphere. Il y a dans ces bandes plusieurs taches dont le mouvement a servi à déterminer celui de Jupiter autour de son axe. Cassini, Campani & d’autres se disputent la gloire de cette découverte. Voyez Bandes, Taches, &c.

Galilée a le premier découvert quatre étoiles ou petites lunes qui tournent autour de Jupiter, & qu’il a appellées les astres de Medicis ; on ne les nomme plus que les satellites de Jupiter. Voyez Satellites.

M. Cassini a observé que le premier de ces satellites est éloigné de Jupiter de cinq demi-diametres de cette planete, & acheve sa révolution en 1 jour 18 heures & 32 minutes.

Le second qui est un peu plus grand, est éloigné de Jupiter de huit diametres, & acheve son tour on 3 jours 13 heures & 12 minutes. Le troisieme qui est le plus grand de tous, est éloigné de Jupiter de 13 demi-diametres, & acheve son tour en 7 jours 3 heures 50 minutes. Le dernier qui est le plus petit, est éloigné de Jupiter de 23 demi-diametres, & acheve sa révolution en 16 jours 18 heures & 9 minutes.

Ces quatre lunes, selon l’observation de M. de Fontenelle, dans sa pluralité des mondes, doivent faire un spectacle assez agréable pour les habitans de Jupiter, s’il est vrai qu’il y en ait. Car tantôt elles se levent toutes quatre ensemble, tantôt elles sont toutes au méridien, rangées l’une au-dessus de l’autre : tantôt on les voit sur l’horison à des distances egales ; elles souffrent souvent des éclipses dont les observations sont fort-utiles pour connoître les longitudes. M. Cassini a fait des tables pour calculer les immersions & les émersions du premier satellite de Jupiter dans l’ombre de cette planete. Voyez Eclipse, Longitude.

Astronomie comparée de Jupiter. Le jour & la nuit sont à peu-près de même longueur sur toute la surface de Jupiter ; sçavoir de cinq heures chacun, l’axe de son mouvement journalier étant à peu-près à angles droits sur le plan de son orbite annuel.

Quoiqu’il y ait quatre planetes principales au-dessous de Jupiter, néanmoins un œil placé sur sa surface ne les verroit jamais, si ce n’est peut-être Mars qui est assez près de Jupiter pour en pouvoir être apperçu. Les autres ne paroîtroient tout au plus que comme des taches qui passent su-le disque du Soleil, quand elles se rencontrent entre l’œil & ce dernier astre. La parallaxe du Soleil ou de Jupiter, doit être absolument ou presque sensible, aussi-bien que celle de Saturne, & ce diametre apparent du Soleil vu de Jupiter, ne doit être que de six minutes. Le plus éloigné des satellites de Jupiter doit paroître presque aussi grand que nous paroit la Lune. Grégori ajoûte qu’un astronome placé dans Jupiter appercevroit distinctement deux especes de planetes, quatre près de lui ; sçavoir, les satellites ; & deux plus éloignées, savoir le Soleil & Saturne. La premiere cependant seroit beaucoup moins brillante que le Soleil, malgré la grande disproportion qu’il y a entre leur distance & leur grandeur apparente ; les quatre satellites doivent donner quatre différentes sortes de mois aux habitans de Jupiter. Ces lunes souffrent une éclipse toutes les fois qu’étant opposées au Soleil, elles entrent dans l’ombre de Jupiter ; de même toutes les fois qu’étant en conjonction avec le soleil, elles jettent leur ombre du côté de Jupiter, elles causent une éclipse de Soleil pour un œil placé dans l’endroit de Jupiter sur lequel cette ombre tombe. Mais comme les orbites de ces satellites sont dans un plan incliné sur celui de l’orbite de Jupiter, avec lequel elles forment un angle, leurs éclipses deviennent centrales, lorsque le Soleil est dans un des nœuds de ces satellites ; & quand il est hors de cette position, les éclipses peuvent devenir totales, sans être centrales. La petite inclinaison du plan des orbites des satellites sur le plan de l’orbite de Jupiter, fait qu’à chaque révolution il se fait une éclipse des satellites & du Soleil, quoique ce dernier soit à une distance considérable des nœuds. Bien plus le plus bas de ces satellites, lors même que le soleil est le plus éloigné des nœuds, doit éclipser le Soleil, ou être éclipsé par rapport aux habitans de Jupiter ; cependant le plus éloigné peut être deux ans consécutifs sans tomber dans l’ombre de cette planete, & celle-ci dans la sienne. On peut ajoûter à cela que ces satellites s’éclipsent quelquefois l’un l’autre ; ce qui fait que la phase doit être différente, & même souvent opposée à celle du satellite qui entre dans l’ombre de Jupiter, & dont nous venons de parler ; car dans celui-ci le bord oriental doit entrer le premier dans l’ombre, & l’occidental en sortir le dernier, au lieu que c’est tout le contraire dans les autres.

Quoique l’ombre de Jupiter s’étende bien au-delà de ses satellites, elle est cependant bien moindre que la distance de Jupiter à aucune autre planete, & il n’y en a aucune, pas même Saturne qui puisse s’y plonger. Wolf, Harris & Chambers. (O)

Ces taches ou bandes sont tantôt plus, tantôt moins nombreuses, quelquefois plus grandes, quelquefois plus petites, à cause des inégalités de la surface, des endroits moins propres à renvoyer la lumiere, des changemens qui s’y font, comme dans Mars, soit par l’action des rayons du Soleil, soit par celle de quelque matiere qui pénetre la planete. On voit ces bandes se retrécir après plusieurs années ou s’élargir, s’interrompre & se réunir ensuite. Il s’en forme de nouvelles, il s’en efface : changemens plus considérables, que si l’Océan inondoit toute la terre ferme, & laissoit à sa place de nouveaux continens. Les taches qui sont plus près du centre apparent de Jupiter, ont un mouvement plus prompt que les autres, ayant un plus grand cercle à parcourir en même tems. On les voit aller de l’Orient à l’Occident, disparoître, puis reparoître après neuf heures 56 min. d’où l’on conclut que Jupiter tourne sur son axe en ce même tems.

Quand les satellites sont en conjonction avec le Soleil, ils empêchent un cône de lumiere d’aller jusqu’à la planete, & c’est une ombre qu’ils jettent sur elle : cette ombre est une espece de tache mobile sur Jupiter ; c’est une éclipse. Et si la terre n’est pas dans la même ligne, nous la voyons cette éclipse, ou cette obscurité changeante parcourir le disque de Jupiter d’Orient en Occident. Quelquefois les satellites paroissent plus ou moins grands, sans être plus ou moins éloignés. Cela vient apparemment de ce qu’ils ont leurs taches, leurs parties obscures, leurs endroits plus ou moins propres à réfléchir la lumiere. Quand ils tournent vers nous leurs parties plus solides & plus propres à renvoyer la lumiere, ils paroissent plus grands. Mais s’ils nous présentent des parties capables d’absorber la lumiere, ils en paroissent plus petits, parce que la lumiere réfléchie trace sur l’organe de la vûe une plus petite image. Voyez Satellites. M. Formey.

Jupiter, (Mythol.) fils de Saturne & de Rhée selon la Fable, & celui que l’antiquité payenne a reconnu pour le plus puissant de ses dieux ; c’est, disent les Poëtes, le roi des dieux & des hommes, qui d’un signe de sa tête ébranle l’univers.

Sa naissance, la maniere dont il fut alaité, son éducation, ses guerres, ses victoires, ses femmes, ses maîtresses, en un mot tout ce qui le regarde dans la Mythologie, est si connu de tout le monde, que je me ferois un scrupule d’en ennuyer le lecteur.

Son culte, comme on sait, a été le plus solemnel & le plus universellement répandu. De-là le Jupiter Sérapis des Egyptiens ; le Jupiter Belus des Assyriens ; le Jupiter Celus des Perses ; le Jupiter Assabinus des Ethyopiens ; le Jupiter Taranus des Gaulois, le Jupiter de Crète le plus célebre de tous, & tant d’autres.

Il eut trois fameux oracles, celui de Dodone, celui de Lybie & celui de Trophonius. Les victimes qu’on lui immoloit étoient la chevre, la brebis & le taureau, dont on avoit soin de dorer les cornes. Souvent sans aucune victime, on lui offroit de la farine, du sel & de l’encens. Personne, dit Cicéron, n’honoroit ce dieu plus particulierement & plus chastement que les dames romaines ; mais il n’eût point de temple plus renommé que celui qu’on lui fit bâtir sur le mont Lyce dans l’Arcadie. Parmi les arbres, le chêne & l’olivier qu’il disputoit à Minerve, lui étoient singuliérement consacrés.

On le représentoit le plus ordinairement sous la figure d’un homme majestueux avec de la barbe, assis sur un trône tenant la foudre de la main droite, & de l’autre une victoire ; à ses piés est une aigle avec ses aîles éployées. On trouve dans les monumens de l’antiquité quantité d’autres symboles de ce dieu, fruits du caprice des artistes, ou de l’imagination de ceux qui en faisoient faire des statues.

Les anciennes inscriptions ne sont pleines que des noms & des surnoms qu’on lui a donnés. Les uns tirent leur origine des lieux où on l’honoroit ; les autres des différens peuples qui prirent son culte ; d’autres des grandes qualités qu’on lui attribuoit, d’autres enfin des motifs qui avoient fourni l’occasion de lui bâtir des temples, des chapelles & des autels.

On s’adressoit à lui sous les titres magnifiques de Sanctitati Jovis, ou Jovi Opt. Max. Statori, Salutari, Feretrio, Inventori, Tonanti, Fulguratori, &c. Jupiter très-bon, très-grand protecteur de l’amitié, hospitalier, dieu des éclairs & du tonnerre, & si quod aliud tibi cognomen attoniti tribuant Poetæ, dit plaisamment Lucien s’adressant à ce dieu.

Le nom même de Jupiter, selon Ciceron, vient des deux mots latins, juvans pater, c’est-à-dire pere secourable.

Son titre de Καταιβάτης n’est pas moins commun dans les livres & sur les médailles. Il signifie simplement descendant sur la terre, si l’on ne s’arrête qu’à la grammaire ; mais l’usage déterminoit ce mot à l’appellation de foudroyant, tenant la foudre, quoiqu’il ne fût pas censé descendre toujours sur la terre pour punir : M. Burman a démontré tout cela dans une dissertation expresse, intitulée Ζεὺς Καταιβάτης, Jupiter fulgurator. Cette dissertation parut à Utrecht en 1700 : c’est l’affaire des Littérateurs de la consulter.

Les Historiens & les Philosophes sont bien plus embarassés dans l’explication des contes ridicules que les Poëtes débitent sur le souverain des dieux, & qui servirent de fondement à la religion du paganisme.

Diodore de Sicile prétend que Jupiter étoit un mortel de grand mérite, d’un caractere si différent de son pere, que sa douceur & ses manieres lui firent déférer par le peuple la royauté dont Saturne fut dépouillé. Il ajoûte, qu’il usa merveilleusement de son pouvoir ; que son principal soin fut de punir les scélérats, & de récompenser les gens vertueux ; enfin, que ses grandes qualités lui acquirent après la mort, le titre de Ζεὺς, de Jupiter ; & que les peuples qui l’adorerent sur la terre, crurent qu’ils devoient de même l’adorer dans le ciel, & lui donner le premier rang parmi les dieux.

Il manquoit à Diodore de prouver ce qu’il avançoit par des monumens historiques, & d’indiquer les sources de tant de vices & de crimes dont les Poëtes avoient souillé la vie de cet illustre mortel.

La difficulté d’expliquer les fictions poétiques par des allégories ou des dogmes de physique, étoit encore plus grande. Si d’un côté l’on est surpris de la licence avec laquelle les Poëtes se sont joués d’une matiere qui méritoit tant de respect, de l’autre on est affligé de voir des philosophes, tels que Chrysippe, perdre un tems précieux à chercher des mysteres dans de pareilles fables, pour les concilier avec la théologie des Stoïciens.

En rejettant les dieux des Poëtes, dieux vivans & animés, & en leur substituant des dieux qui n’avoient ni vie, ni connoissances, ils tomboient également dans l’impiété. Dès qu’une fois ils regardoient Jupiter pour l’æther pur, & Junon pour l’air qui nous environne, il ne falloit plus adresser de prieres, ni faire de sacrifices à l’un & à l’autre ; de tels actes devenoient ridicules, & la religion établie crouloit en ruine. C’est ainsi cependant qu’ils firent des prosélytes, & qu’ils accoutumerent les hommes à prendre pour Junon l’air grossier, similitudo ætheris, cum eo intimè conjuncta, & pour Jupiter, la voûte azurée que nous voyons sur nos têtes : Ennius en parle sur ce ton dans Ciceron, de Nat. deor. lib. I. cap. xj.

Aspice hoc
Sublime candens, quem invocant omnes Jovem !

Et Eurypide dans le même auteur, lib. II. cap. xxv. s’exprime encore plus éloquemment & plus fortement.

Vides sublime fusum, immoderatum æthera,
Qui tenero terram circumjectu amplectitur,
Hunc summum habeto divum, hunc perhibeto Jovem !
(D. J.)

Jupiter Capitolin, temple de, (Hist. Rom.) ce fameux temple de Rome, voué par Tarquin fils de Demaratus, fut exécuté par Tarquin le Superbe son petit-fils, & entierement acheyé sous le troisieme consulat de Publicola.

Ce temple étoit situé dans cette partie du capitole qui regardoit le forum olitorium, ou le marché aux herbes, aujourd’hui la piazza Montanara. Il occupoit un terrein de huit arpens, & avoit deux cens piés de long, sur 185 de profondeur. Le devant étoit orné de trois rangs de colonnes, & les côtés de deux ; la nef contenoit trois grandes chapelles, celle de Jupiter au milieu, celle de Junon à gauche, & celle de Minerve à droite. Il fut consacré par Horace consul, la troisieme année de la soixante-huitieme olympiade, 504 avant J. C. & brûlé la deuxieme année de la cent-soixante-quatorzieme olympiade, 81 ans avant la naissance de notre-Sauveur : il dura donc 423 ans.

Sylla le rebâtit, & l’orna de colonnes de marbre qu’il tira d’Athènes du temple de Jupiter Olympien ; mais comme Catulus eut la gloire de le consacrer 67 ans avant la naissance de J. C. Sylla disoit en mourant, qu’il ne manquoit que cette dédicace à son bonheur. Il avoit fait ce magnifique ouvrage de forme quarrée, ayant 220 piés en tout sens, & d’une admirable structure. Les embellissemens dont on l’enrichit depuis Sylla, les présens magnifiques que les provinces soumises & les rois alliés y envoyerent sur la fin de la république, & sous les premiers empereurs, rendirent ce monument un des plus superbes du monde.

Cependant il périt aussi par les flammes l’an 69 de l’ere chrétienne, lorsque Vitellius assiégea Fl. Sabinus dans le Capitole, sans qu’on sache, dit Tacite, si ce furent les assiégeans ou les assiégés qui y mirent le feu.

Vespasien le releva de fond en comble l’année qui suivit la mort de Vitellius, en l’élevant plus haut que les deux autres ne l’avoient été. On peut voir dans le IV. livre de l’histoire de Tacite le détail de toutes les cérémonies qu’on mit en usage à cette occasion : on marqua cet événement par des médailles greques au nom de l’empereur, avec l’effigie de Jupiter Capitolin, & une nouvelle époque d’années. Ce temple qui avoit jadis échappé à la fureur des Gaulois, dans la prise de Rome, & où tant de peuple s’assembloit tous les jours, passoit pour renfermer les destins de l’empire.

Mais à peine Vespasien fut décédé que le feu consuma pour la quatrieme fois & le Capitole & ce temple qu’il avoit bâti onze ans auparavant. Domitien le réédifia sans délai dès la premiere année de son regne, l’an 81 de J. C. avec une dépense incroyable ; aussi mit-il son nom à cet ouvrage, sans faire mention des premiers fondateurs.

La seule dorure coûta plus de douze mille talens, c’est-à-dire plus de sept millions d’or. Les colonnes de marbre pentélique dont il le décora, avoient été tirées d’Athènes toutes taillées, & d’une longueur admirablement proportionnée à leur grosseur ; mais on voulut les retailler & les repolir à Rome, & l’on gâta leur grace & leur symétrie : jamais Rome n’eut la gloire de pouvoir disputer l’empire des beaux Arts à la Grece ; voyez le mot Grecs, si vous voulez en être convaincu. (D. J.)

Jupiter Lapis, (Mythol.) Les premiers Romains adoroient Jupiter sous ce nom de lapis, pierre, comme les Grecs sous celui de ὁμόριος qui veut dire la même chose. C’étoit par ce nom d’ὁμόριος que se faisoient leurs sermens les plus solemnels au rapport d’Aristote, de Demosthene & de Tite-Live. Les Romains, à leur imitation, ne connurent point de serment plus sacré, que lorsqu’ils juroient par Jupiter lapis. Quid igitur censes ? jurabo per Jovem lapidem romano vetustissimo ritu, dit Apulée dans son traité de deo sacratis.

Jupiter, (Hist. nat.) nom donné par les anciens Chimistes à l’étain. voyez Etain.