L’Encyclopédie/1re édition/JULIS

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JULIS s. m. (Ichtyolog.) ou ἰουλὶς, julia en latin par Gaza, & par les Génois girella ; petit poisson qu’on prend principalement sur la côte de Gènes & d’Antibes, & qu’on vend dans les marchés à cause de sa délicatesse. Il vit en troupes, comme le remarque Aristote, & est poisson de rocher, comme le dit Galien.

Sa grandeur est de la longueur, & un peu plus de la largeur du pouce. Il est couvert de petites écailles variées, brillantes & fortement adhérentes à la chair. Le long des côtés regne une ligne blanche, & au-dessous une autre saffrannée ; son ventre est d’un blanc de perle ; ses yeux sont ronds & petits ; son iris est rouge ; le trou des excrémens est placé au milieu du corps ; sa bouche est petite, armée de dents fortes & aiguës ; ses levres sont épaisses & charnues ; sa nageoire du dos s’étend jusqu’à la queue, qui est non fourchue.

Les mâles sont peints des plus brillantes couleurs, vertes sur le dos, tachetées de jaune & de rouge sur la tête, bordées de raies dorées sur les côtés, & mouchetées de rouge & de bleu sur la nageoire du dos, ainsi que sur la queue.

Elien assure que ce poisson a les dents venimeuses. Il eût rencontré plus juste s’il eût dit avec Athénée, qu’il est friand de chair humaine, car il persécute les nageurs, les plongeurs, coure sur eux à grande troupe, & vient mordre les jambes nues à ceux qui sont dans l’eau. Rondelet, liv. VI, ch. vij. Aldrovand, liv. I. chap. vij. Gesner de Piscibus ; pag. 549. (D. J.)

Julis, (Géog. anc.) ville de l’isle de Céos, dont Ptolomée, Suidas & Valere-Maxime ont fait mention. Cette ville, située sur une montagne à trois milles de la mer, a été la patrie de Bacchylide, fameux poëte grec, qui fleurissoit vers l’an du monde 3552, propre neveu de Simonide, qui étoit de la même isle, & vraissemblablement de la même ville. Il nous reste quelques fragmens des poésies de Simonide, qui ont été recueillies par Fulvius Ursinus. Le sophiste Prodicus, le medecin Erasistrate, & un philosophe nommé Ariston, étoient aussi natifs de Julis.

Mais nous ne pouvons taire un fait bien singulier que rapporte Valere-Maxime, liv. II, chap. vj. num. 7. Il raconte qu’allant en Asie avec Sextus Pompée, & passant par Julis, il assista aux dernieres heures d’une dame de cette ville, âgée de plus de 90 ans. Elle avoit déclaré aux magistrats les raisons qui la portoient à renoncer à la lumiere, & ils les avoient approuvées. Comme elle crut que la présence de Pompée donneroit un grand éclat à cette cérémonie, elle le fit supplier de vouloir bien y assister. Il lui accorda cette faveur, dans l’espérance de l’engager, par son esprit & par ses instantes prieres, à changer de résolution ; mais ce fut inutilement.

Elle le remercia de ses bontés, & chargea envers lui de sa reconnoissance, non-pas tant les dieux qu’elle alloit joindre, que ceux qu’elle alloit quitter. Tibi quidem, inquit, Sexte Pompei, dii magis quos relinquo, quàm quos peto, gratias referant, quia nec hortator vita mea, nec mortis spectator esse, fastidisti.

En même tems elle lui déclara qu’ayant toujours été favorisée de la fortune, elle ne vouloit point s’exposer à ses revers. Ensuite ayant exhorté à la concorde deux filles & sept petits-fils qu’elle laissoit, elle prit d’une main ferme la coupe qui contenoit le poison. Alors après s’être recommandée à Mercure, pour l’heureux succès de son passage, elle but avidement la mortelle liqueur. Poculum in quo venenum temperatum erat, constanti dextrâ arripuit : Tum defusis Mercurio delibamentis, & invocato numine ejus, ut se placido itinere in meliorem sedis inferna deduceret partem, cupido haustu mortiferam traxit potionem.

Ce récit intéressant sur un citoyenne de Julis, nous apprend encore une particularité qu’on ne trouve point ailleurs, je veux dire la maniere dont on se recommandoit aux dieux à l’article de la mort : nous ne lisons nulle part qu’on leur demandât pardon de ses péchés. (D. J.)