L’Encyclopédie/1re édition/JOUG

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 888).
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JOUG, s. m. (Hist. anc.) les Romains appelloient jugum un certain assemblage de trois piques ou javelines, dont deux étoient plantées en terre debout, surmontées d’une troisieme attachée en-travers au haut des deux autres ; elles formoient une espece de baie de porte, plus basse que la hauteur d’un homme ordinaire, afin d’obliger les vaincus qu’on y faisoit passer presque nuds l’un après l’autre, de se baisser ; ce qui marquoit l’entiere soumission, & cela s’appelloit mittere sub jugum.

Tous les autres peuples voisins de Rome avoient le même usage. C’étoit le comble du deshonneur dont se servoit le vainqueur, pour faire sentir le poids de sa victoire à ceux qui avoient succombé : les Romains ont rarement éprouvé cette honte, & l’ont assez souvent fait éprouver à leurs ennemis.

Cependant ils l’éprouverent dans la guerre contre les Samnites, lorsque le consul Spurius Posthumius pour sauver les troupes de la république enfermées par sa faute aux défilés des fourches Caudines, qu’on nomme aujourd’hui streta d’Arpaia, consentit de subir lui-même cette infamie avec toute son armée. Il est vrai que de retour à Rome, il opina dans le sénat, qu’on le renvoyât piés & poings liés, pour mettre à couvert la foi publique du traité honteux qu’il avoit conclu ; son avis fut suivi, mais les Samnites ne voulurent point recevoir le malheureux consul.

Denys d’Halicarnasse rapporte liv. III. que les pontifes à qui Tullus Hostilius avoit renvoyé le jugement d’Horace, accusé du meurtre de sa sœur, commencerent à purifier la ville par des sacrifices, & après plusieurs expiations ils firent passer Horace sous le joug : c’est une coutume, dit-il, parmi les Romains, d’en user ainsi envers les ennemis vaincus, après quoi on les renvoie chez eux. (D. J.)