L’Encyclopédie/1re édition/JARGON

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 461).

* JARGON, s. m. (Gram.) ce mot a plusieurs acceptions. Il se dit 1°. d’un langage corrompu, tel qu’il se parle dans nos provinces. 2°. D’une langue factice, dont quelques personnes conviennent pour se parler en compagnie & n’être pas entendues. 3°. D’un certain ramage de société qui a quelquefois son agrément & sa finesse, & qui supplée à l’esprit véritable, au bon sens, au jugement, à la raison & aux connoissances dans les personnes qui ont un grand usage du monde ; celui-ci consiste dans des tours de phrase particuliers, dans un usage singulier des mots, dans l’art de relever de petites idées froides, puériles, communes, par une expression recherchée. On peut le pardonner aux femmes : il est indigne d’un homme. Plus un peuple est futile & corrompu, plus il a de jargon. Le précieux, ou cette affectation de langage si opposée à la naïveté, à la vérité, au bon goût & à la franchise dont la nation étoit infectée, & que Moliere décria en une soirée, fut une espece de jargon. On a beau corriger ce mot jargon par les épithetes de joli, d’obligeant, de délicat, d’ingénieux, il emporte toûjours avec lui une idée de frivolité. On distingue quelquefois certaines langues anciennes qu’on regarde comme simples, unies & primitives, d’autres langues modernes qu’on regarde comme composées des premieres, par le mot de jargon. Ainsi l’on dit que l’italien, l’espagnol & le françois ne sont que des jargons latins. En ce sens, le latin ne sera qu’un jargon du grec & d’une autre langue ; & il n’y en a pas une dont on n’en pût dire autant. Ainsi cette distinction des langues en langues primitives & en jargons, est sans fondement. Voyez l’article Langue.

Jargons, s. m. (Hist. nat. Litholog.) nom que donnent quelques auteurs à un diamant jaune, moins dur que le diamant véritable. On appelle aussi jargons des crystallisations d’un rouge-jaunâtre, & qui imitent un peu les hyacinthes ; elles viennent d’Espagne & d’Auvergne.