L’Encyclopédie/1re édition/INTERPRETE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 833).

INTERPRETE, s. m. (Gramm. & Théologie.) celui qui fait entendre les sentimens, les paroles, les écrits des autres, lorsqu’ils ne sont pas intelligibles. Voyez Dragoman.

Le mot interprete, suivant Isidore, est composé de la préposition inter & de partes, l’interprete tenant le milieu entre deux parties ou deux personnes, pour leur faire entendre mutuellement leurs pensées. D’autres le font venir d’inter & de præs, c’est-à-dire, fidejussor, celui qui se porte pour caution entre deux personnes qui ne s’entendent point.

L’interprétation de l’Ecriture a donné lieu à des grands débats ; les Catholiques soutiennent qu’elle appartient absolument à l’Eglise ; que la raison peut bien en chercher le sens, lorsque l’Eglise n’a rien prononcé, mais qu’elle doit se taire dès que cet oracle a parlé. Les Protestans veulent que la raison soit le juge ou l’interprete souverain des Ecritures, quoique quelques-uns d’entre eux ayent beaucoup d’égard pour les synodes, & d’autres pour l’autorité de la primitive église. Quelques-uns enfin disent que c’est le S. Esprit qui l’interprete à chacun au fond du cœur. C’est ce que Bochart appelle ἀπόδειξις τοῦ πνεύματος. Voyez Esprit.

Dans la primitive église l’office d’interprete étoit une fonction ecclésiastique, différente de celle du lecteur : car comme il arrivoit souvent que dans une ville les habitans étoient les uns naturels du pays, les autres établis ou par colonie, ou par droit de conquête, ou autrement, & que tous ne parloient pas la même langue ; on n’entendoit pas également la lecture qu’on faisoit des livres sacrés ; il y avoit dans presque toutes les églises des interpretes pour expliquer au peuple en langue vulgaire ce que le lecteur venoit de lire, ou le discours que l’évêque avoit prononcé. C’est ce que les Grecs appelloient ἑρμηνευτὰς. Ainsi dans les églises de la Palestine où la moitié du peuple parloit grec, & l’autre parloit syriaque, dans celles d’Afrique où la langue punique étoit encore en usage parmi les uns, tandis que la latine étoit familiere aux autres, il falloit nécessairement qu’il y eût de ces interpretes. Bingham, orig. ecclésiastiq. tom. II. lib. III. chap. xiij. §. 4.

Interpretes du droit (Jurisprud.) ce sont les jurisconsultes qui ont commenté les lois romaines. Voyez ci-devant Interprétation, & ci-dessus Jurisconsultes. (A)