L’Encyclopédie/1re édition/INFIRMIER

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 707-708).
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INFIRMIER, s. m. (Medec. Chirurg.) est un employé subalterne dans les hôpitaux, préposé à la garde & au soulagement des malades ; il est dans les hôpitaux & maisons de charité ce que parmi le peuple on nomme trivialement garde-malade. Cet emploi est aussi important pour l’humanité, que l’exercice en est bas & répugnant ; tous sujets n’y sont pas également propres, & les administrateurs des hôpitaux doivent, autant par zèle que par motif de charité, se rendre difficiles sur le choix de ceux qui s’y destinent, puisque de leurs soins dépend souvent la vie des malades : un infirmier doit être patient, modéré, compatissant ; il doit consoler les malades, prévenir leurs besoins & supporter leurs impatiences.

Les devoirs domestiques des infirmiers sont, d’allumer le matin les feux dans les salles & de les entretenir pendant le jour ; de porter & distribuer les portions de vivres, la tisanne & les bouillons aux malades ; d’accompagner les medecins & chirurgiens pendant les pansemens ; d’enlever après, les bandes, compresses & autres saletés ; de balayer les salles & d’entretenir la propreté dans l’hôpital, parmi les malades, dans les choses qu’ils leur distribuent & sur leurs propres personnes ; de vuider les pots-de-chambre & chaises-percées, de sécher & changer le linge des malades ; d’empêcher le bruit, les querelles & tout ce qui pourroit troubler leu repos ; d’avertir l’aumônier de ceux qu’ils apperçoivent en danger ; de transporter les morts & de les ensevelir ; d’allumer les lampes le soir, de visiter les malades pendant la nuit ; enfin de veiller continuellement sur eux, de leur donner tous les secours que leur état exige, & de les traiter avec douceur & charité. Voilà en général leurs obligations ; les officiers des hôpitaux doivent donner leur attention à ce qu’ils les remplissent exactement, & les punir s’ils s’en écartent.

Voici quelques dispositions qui les regardent dans la direction & la discipline d’un hôpital militaire.

Ils y sont aux ordres du commissaire des guerres chargé de la police de l’hôpital, aux gages de l’entrepreneur, & nourris aux frais du Roi, à la même portion que les soldats malades.

Le nombre en est fixé à un pour vingt malades, ou douze blessés, ou dix vénériens, ou deux officiers : en cas de maladie ils sont traités dans l’hôpital sur le même pié que les soldats malades, mais aux frais de l’entrepreneur, qui ne peut les renvoyer qu’après leur guérison & du consentement du commissaire des guerres : le directeur ne doit dans aucun cas se servir de soldats pour infirmier.

Tout infirmier qui sort de l’hôpital sans permission, ou qui y rentre ivre, qui est convaincu d’avoir vendu des alimens aux malades, ou retranché quelque chose de leur portion pour en augmenter la sienne, est puni d’amende pour la premiere fois, & chassé de l’hôpital en cas de récidive.

Celui qui est convaincu de vol, friponnerie ou malversation, est châtié sévérement pour l’exemple, & même livré à la justice, si le cas le requiert.

Les infirmiers sont responsables des effets gardés par les défunts, qui se trouveroient avoir été détournés.

Celui qui étant de garde pendant la nuit, est surpris endormi, doit être puni d’amende, & chassé s’il a abandonné la salle.

Celui qui est convaincu d’avoir traité les malades avec négligence, dureté ou mépris, d’avoir négligé de les changer de linge après des sueurs, ou de leur avoir refusé d’autres secours nécessaires, doit être chassé & puni suivant l’exigence du cas.

Ces dispositions sont tirées pour la plûpart des réglemens concernant les hôpitaux militaires, du premier Janvier 1747, époque du rétablissement de la regle & du bon ordre dans l’administration de cette partie difficile & intéressante du service.

Dans les hôpitaux bourgeois & maisons de charité, ce sont des femmes ou des sœurs hospitalieres qui y sont chargées des fonctions des infirmiers, & l’on est généralement content de la maniere dont elles s’en acquittent. On ne peut nier que les femmes ne soient plus propres à ces fonctions que les hommes ; en effet, par la sensibilité & la douceur naturelle à leur sexe, elles sont plus capables qu’eux de ces soins touchans, de ces attentions délicates, si consolantes pour les malades, & si propres à hâter leur guérison. Il est peu de nos lecteurs qui n’ait éprouvé par lui-même ce que nous avançons, & qui n’ait préféré, & qui ne préfere encore dans l’état de maladie, les services d’une femme à ceux d’un homme, toutes choses égales.

Si le sentiment intérieur de la nature & l’expérience se réunissent pour nous démontrer cette vérité, pourquoi n’en profitons-nous pas pour l’intérêt du service & de l’humanité ?

Qui empêche qu’on ne substitue aux infirmiers dans tous les hôpitaux militaires du royaume des infirmieres aux mêmes gages & fonctions, tirées non de l’ordre des sœurs hospitalieres, mais du sein du peuple indigent ? on devroit s’en promettre le même service que de ces sœurs, & un meilleur que celui des infirmiers, premier avantage. Ces hommes seroient rendus aux ouvrages de la terre, ou des arts méchaniques, autre avantage : mais nous en appercevons un plus précieux encore dans ce changement, ce sont les nouvelles occasions d’emploi & de travail qu’il procureroit à un nombre de femmes ou filles, dans l’énorme quantité de désœuvrées involontaires qui fourmillent dans nos villes, qui desirent & cherchent des occupations, & qui faute d’en trouver, restent en proie aux dangers & aux malheurs d’une oisiveté forcée. Cet article essentiel & trop négligé parmi nous, si important pour la population, pour les mœurs & l’honnêteté publique, mériteroit les plus sérieuses attentions de la part du gouvernement.

Au surplus nous ne répondrons aux objections qu’on pourroit nous faire sur le changement proposé pour les hôpitaux militaires, qu’en présentant l’exemple de ce qui se pratique avec succès dans les hôpitaux bourgeois & les maisons de charité du royaume, où les soldats malades des troupes du roi sont reçus & traités, comme dans les hôpitaux même de sa majesté. Voyez Garde-malade. Article de M. Durival le jeune.