L’Encyclopédie/1re édition/IMPATIENCE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 584-585).

IMPATIENCE, s. f. (Morale.) inquiétude de celui qui souffre, ou qui attend avec agitation l’accomplissement de ses vœux.

Ce mouvement de l’ame plus ou moins bouillant, procede d’un tempérament vif, facile à s’enflammer, & qu’on auroit pû souvent modérer par les secours d’une bonne éducation.

Les princes qui croient tout pouvoir, & qui se livrent à leurs impatiences, imitent ces enfans qui rompent les branches des arbres, pour en cueillir le fruit avant qu’il soit mûr. Il faut être patient pour devenir maître de soi & des autres.

Loin donc que l’impatience soit une force & une vigueur de l’ame, c’est une foiblesse & une impuissance de souffrir la peine. Elle tombe en pure perte, & ne produit jamais aucun avantage. Quiconque ne sait pas attendre & souffrir, ressemble à celui qui ne sait pas taire un secret ; l’un & l’autre manquent de force pour se retenir.

Comme à l’homme qui court dans un char, & qui n’a pas la main assez ferme pour arrêter quand il le faut ses coursiers fougueux, il arrive qu’ils n’obéissent plus au frein, brisent le char, & jettent le conducteur dans le précipice ; ainsi les effets de l’impatience peuvent souvent devenir funestes. Mais les plus sages leçons contre cette foiblesse sont bien moins puissantes pour nous en garantir, que la longue épreuve des peines & des revers. (D. J.)