L’Encyclopédie/1re édition/HEMVÉ

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 129-130).
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HEMVÉ, sub. masc. (Medecine.) c’est ainsi qu’on nomme en quelques endroits, ce que nous appellons par périphrase la maladie du pays. Ce violent desir de retourner chez soi, dit très-bien l’abbé du Bos, n’est autre chose qu’un instinct de la nature, qui nous avertit que l’air où nous nous trouvons, n’est pas aussi convenable à notre tempérament que l’air natal, pour lequel nous soupirons, & que nous envisageons secretement comme le remede à notre mal-aise & à notre ennui.

Le hemvé, ajoute-t-il, ne devient une peine de l’esprit, que parce qu’il est réellement une peine de corps. L’eau, l’air différent de celui auquel on est habitué, produisent des changemens dans une frêle machine ; Lucrece l’a remarqué comme Hippocrate.

Nonne vides etiam coeli novitate & aquarum,
Tentari procul à patriâ, quicumque domoque
Adveniunt, ideò quia longè discrepat aër.

Cet air très-sain pour les naturels du pays, est un poison lent pour certains étrangers ; il est vrai que la différence de cet air ne tombe point sous nos sens, & qu’elle n’est pas à la portée d’aucun de nos instrumens, mais nous en sommes assûrés par ses effets.

Cependant ils sont encore si différens des violentes altérations qu’éprouvent les voyageurs qui passent le tropique, qu’on ne doit pas confondre le hemvé, ou la maladie du pays, avec celle de ceux qui vont dans les colonies établies par les Européens aux Indes occidentales. L’impression de ces sortes de climats n’épargne presque aucun étranger, & produit dans la santé des plus robustes, des révolutions singulieres, qui forment pour ainsi dire leur tempérament sur un nouveau modele, lorsqu’ils ont le bonheur de ne pas succomber à de si grandes secousses. (D. J.)