L’Encyclopédie/1re édition/HELVÉTIENS

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 108-109).
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HELVÉTIENS (les), Géog. peuple particulier qui faisoit partie de la Gaule ; il mérite bien d’avoir un article dans cet ouvrage, & sous son ancien nom, & sous son nom moderne, pour lequel voyez Suisse.

Nous trouvons dans César les limites anciennes de l’Helvétie ; il la borne d’un côté par le Rhin qui la séparoit de la Germanie, de l’autre par le mont Jura qui la séparoit des Séquaniens, & d’un autre côté par le lac Léman & par le Rhône, qui la séparoient de l’Italie. Comme elle étoit au-delà du Rhin, elle appartenoit à la Gaule, ce qui fait que Tacite appelle les Helvétiens, nation gauloise ; Jules-César met l’Helvétie dans la Gaule Celtique ; mais Auguste pour rendre les provinces à-peu-près égales, unit l’Helvétie à la Belgique. Voilà donc Pline & Ptolomée qui ont vécu après ce changement amplement justifies, pour avoir mis les Helvétiens dans la Belgique ; ils devoient suivre la nouvelle disposition d’Auguste.

Toute l’Helvétie étoit divisée en quatre cantons qui, quoique compris sous le nom général d’Helvétiens, avoient cependant chacun un nom distingué, & un territoire séparé ; on appelloit ces cantons Pagus Urbigenus, Pagus Ambronicus, Pagus Tigurinus, & Pagus Tugenus.

Les Urbigenes étoient les plus voisins de l’Italie ; ils tiroient leur nom de la ville Urba, Orbe, ville ancienne, mais dont la splendeur ne fut pas de durée ; car Aventicum, Avenche, lui enleva de bonne heure la gloire d’être non-seulement la capitale du canton, mais même de toute l’Helvétie. Avenche dut son élévation aux Romains qui, entre autres faveurs, y établirent une colonie.

On comptoit alors plusieurs autres villes dans ce canton, savoir Colonia Equestris, ou Noviodunum, aujourd’hui Noyon ; Lausanna, à présent Lausanne, outre Minodum, présentement Milden, & par les François Mouldon ; & Obrodunum, ou Castrum Ebrodunense, qui est Yverdun.

Les Ambrons n’avoient, selon Cluvier, que deux villes, Salodurum, & Vindonissa ; on ne peut douter que Soleure ne soit la même ville que Salodurum. A l’égard de Vindonissa, dont Tacite lui-même fait mention, les Géographes se persuadent que l’on trouve aujourd’hui des vestiges de cette ville dans le village de Windisch au canton de Berne ; & si les noms ont assez de rapport, la position ne convient pas mal, aussi-bien qu’à celle que lui donnent la table de Peutinger & l’Itinéraire.

Le Pagus Tigurinus tiroit son nom de la ville de Tigurum, aujourd’hui Zurick ; il n’y a cependant aucun ancien écrivain qui fasse mention de la ville ; mais apparemment qu’elle fut du nombre de celles que les Helvétiens brûlerent, lorsqu’ils formerent le dessein que César empêcha, de s’aller établir dans les Gaules.

Strabon est le seul des anciens auteurs qui fasse mention du Pagus Tugenus ; il est toutefois vraissemblable, qu’il tiroit son nom de la ville de Tugum. à présent encore capitale d’un canton. Je m’exprime ainsi, parce que le nom me paroît le même que celui de Zug ; car dans plusieurs noms de villes, qui chez les Romains commençoient par la lettre T, les Germains changeoient cette lettre en Z. De Taberna, ils firent Zabern ; de Tolbiacum, Zulpich ; & ainsi de Tugum, ils ont fait Zug, suivant toute apparence.

Nous avons dit ci-dessus, qu’Auguste rangea les Helvétiens sous la Belgique, & ils étoient encore censés de cette partie des Gaules, du tems de Pline & de Ptolomée. Après Constantin, ils se trouverent avec les Rauraques & les Séquaniens dans la province nommée maxima Sequanorum ; peu-à-peu leur nom d’Helvétiens se perdit, & fit place à celui des Séquaniens ; mais les Allemans, nation différente des Germains, quoique demeurant dans la Germanie, se jetterent dans l’Helvétie, dont il fallut leur cêder une partie ; les Burgundiens ou Bourguignons envahirent l’autre, de maniere que l’Helvétie se trouvant partagée entre ces deux peuples, prit le nom d’Allemagne & de Bourgogne.

Sous les empereurs François, la partie Allemande de l’Helvétie fut gouvernée par le duc d’Allemagne & de Suabe ; l’autre obéissoit à des comtes. Cette forme de gouvernement subsista très-long-tems, jusqu’à ce qu’enfin, après 13 cens ans de sujétion, ce pays recouvra son ancienne liberté, & s’associa divers états voisins, qui n’étoient point de l’ancienne Helvétie, mais qui sont du corps Helvétique de nos jours, lequel corps a pris le nom de Suisse. C’est sous ce mot, que nous parlerons de la Suisse moderne, heureux pays, où les solides richesses qui consistent dans la culture des terres, sont recueillies par des mains libres & victorieuses. (D. J.)