L’Encyclopédie/1re édition/HELLESPONT

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 107).
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HELLESPONT, s. m. (Géog.) fameux canal ou détroit qui sépare l’Europe & l’Asie, & qui est indifféremment nommé par les modernes, le bras de S. Georges, les bouches de Constantinople, le détroit de Gallipoli, ou le détroit des Dardanelles. Voyez Dardanelles.

Les anciens l’appelloient Hellespont, du nom de Hellé, fille d’Athamas, qui en le traversant, pour s’enfuir dans la Colchide, avec son frere Phryxus, chargés tous deux de la toison d’or, tomba malheureusement dans cette mer, où elle périt. On y arrive par diverses routes, après avoir laissé derriere soi, à droite ou à gauche, les isles Cyclades & Sporade, qui composent dans la mer Egée, ce qu’on appelle l’Archipel.

Ce détroit est situé au 35d 42′ de latitude, & environ au 55 de long. Toute sa longueur est de 10 à 12 lieues ; il n’en a guere plus d’une de largeur à son entrée, & dans toute la suite, il n’a qu’une demi-lieue tout au plus. A son couchant, que l’on a sur la gauche en y entrant, on voit la Thrace, qui est une partie de l’Europe que ce détroit sépare d’avec la Troade, Province d’Asie, qui est à son orient. Il a la Propontide au nord, avec tout l’Archipel au sud. A l’entrée de ce passage à main droite, on trouve le promontoire Sigée, qu’on appelle aujourd’hui cap Gianizzari ; quand on a passé les châteaux neufs bâtis par Mahomet IV, on entre dans l’Hellespont dont ils sont les portes ; & de-là jusqu’aux Dardanelles, il n’y a aucun vestige d’antiquités considérables.

Comme cette mer a divers noms chez les modernes, elle en a eu aussi plusieurs chez les Poëtes, auxquels celui de Hellespontus, ne convenoit pas toûjours ; Virgile, Æneid. liv. I. v. 385. l’appelle la mer de Phrygie, Phrygium æquor, parce qu’en effet ce détroit resserre la Phrygie à l’orient. Lucain, liv. VI. v. 55. & Valerius Flaccus, liv. II. v. 586. l’appellent l’un, Phryxœum pontum, l’autre, Phryxea æquora, la mer de Phryxus, nommant le frere pour la sœur, parce que, selon la fable, elle étoit avec son frere Phryxus, lorsqu’elle donna son nom à cette mer. Leur pere étoit Athamas, & de-là lui vint la dénomination de mer Athamantide.

Enfin, Ausone, in Mosell. v. 287. & 288, employe trois expressions de suite, pour peindre l’Hellespont, tant la poésie latine a de richesses pour s’exprimer.

Quis modò Sestiacum pelagus, Nepheleidosque Helles
Æquor, Abydoni freta quis miretur Ephebi.


Il l’appelle en premier lieu la mer de Sestos, & cette ville étoit sur le rivage du détroit du côté de l’Europe. Secondement, la mer d’Hellé, fille de Nephélé & d’Athamas ; & enfin le détroit du jeune homme d’Abydos : Abydos étoit au midi de Sestos, & le poëte fait allusion à l’histoire touchante de Héro & de Léandre. (D. J.)