L’Encyclopédie/1re édition/HELENE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 98-99).
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HELENE, s. f. (Hist. anc.) La vie de la fille de Tyndare, roi de Lacédémone, dont l’enlevement par Pâris a causé la guerre & la ruine de Troie, est connue de tout le monde. Tous les historiens & les poëtes en ont parlé : les charmes & la beauté de cette infidele ont passé en proverbe ; Homere lui-même raconte « que les vieillards, conseillers de Priam, n’eurent pas plutôt apperçu cette belle créature, qu’ils se dirent les uns aux autres : Faut-il s’étonner que les Grecs & les Troiens souffrent tant de maux pour une beauté si parfaite ? elle ressemble véritablement aux déesses immortelles ». Eurypide assure que Ménélas, au sortir de Troie, s’avança pour la tuer ; mais que l’épée lui tomba des mains, lorsqu’il vit venir cette femme enchanteresse, de sorte qu’il reçut ses embrassemens.

Le même poëte, dans cette tragédie, nous représente Hélene vertueuse ; les Lacédémoniens intéréssés à accréditer cette opinion, lui consacrerent un temple où elle étoit honorée comme une déesse, dit Pausanias : Hérodote ajoute, qu’on l’invoquoit dans ce temple pour rendre beaux les enfans difformes.

L’auteur d’Athènes ancienne & moderne, a raison de remarquer que mille gens qui parlent de la belle Hélene, ne savent pas comment elle mourut ; ce fut dans l’île de Rhodes, & voici de quelle maniere. Polixo, dont le mari avoit péri au siége de Troie, regardant Hélene comme la cause de son veuvage, envoya des femmes, pendant qu’elle étoit au bain, pour l’étrangler, & la pendre à un arbre. L’ordre ne fut que trop bien executé ; mais les Rhodiens, touchés de cette injustice, lui bâtirent un temple, qu’ils appellerent le temple d’Hélene Dendritis, & c’est à Pausanias que nous devons encore cette particularité.

Isocrate a fait le panégyrique d’Hélene, dans lequel il assure qu’elle acquit non seulement l’immortalité, mais une puissance divine, dont elle se servit pour mettre ses freres, Castor & Pollux, au nombre des dieux.

C’étoit d’après Isocrate, & non d’après Eurypide, que Théodoret devoit attaquer les payens pour avoir érigé des temples à Hélene. Mais ils auroient pu lui répondre, qu’ils n’imputoient pas à cette femme les aventures qui avoient traversé sa vie, qu’ils les imputoient au destin & à la fortune ; qu’ils savoient d’ailleurs, par le témoignage d’Hérodote, un de leurs principaux historiens, qu’Hélene avoit été retenue à Memphis chez le roi Protée ; enfin que les Troiens n’avoient pu rendre aux Grecs cette princesse, ni leur persuader qu’ils ne l’avoient pas, la providence conduisant ainsi ces événemens, afin que Troie fût saccagée, & qu’elle apprît à tous les hommes que les péchés d’une ville entiere attirent des dieux de grandes & de terribles punitions. (D. J.)

Hélene, (Géog. anc.) île de Grece dans le golfe Laconique, à l’embouchure de l’Eurotas, devant la ville de Gythium, selon Pausanias, l. III. ch. xxij. qui l’appelle Cranaé : la Guilletiere nous apprend qu’on la nomme aujourd’hui Spatara, & qu’elle est à trois lieues de Colochina, & à demi-lieue de Pagana. Il ajoute : « Comme nous y étions arrivés, un de nos voyageurs se ressouvint que ce fut dans cette île de Cranaé, ou de Spatara, que la belle Hélene accorda ses faveurs à Pâris ; & il nous dit que sur le rivage de la terre-ferme qui est à l’opposite, cet heureux amant avoit fait bâtir, après cette conquête, un temple à Vénus, pour lui marquer les transports de sa joie & de sa reconnoissance. Il donna le nom de Migonitis à cette Vénus, & nomma ce territoire Migonium, d’un mot qui signifioit l’amoureux mystere qui s’y étoit passé : Ménélas, le malheureux époux de cette princesse, dix-huit ans après qu’on la lui eut enlevée, vint visiter ce temple, dont le terrein avoit été le témoin de son malheur & de l’infidélité de sa femme. Il ne le ruina point, il fit mettre seulement aux deux côtés de Vénus les images de deux autres divinités, celle de Thétis & celle de la déesse Praxidice, comme qui diroit la déesse des châtimens, pour montrer qu’il ne laisseroit pas l’affront impuni ». Tout ce détail de M. la Guilletiere est d’autant meilleur qu’il est tiré de Pausanias.

Il y a eu plusieurs autres lieux nommés Hélene. 1°. Une île de la mer Egée ; 2°. une île de la Grece entre les Sporades ; 3°. une ville de Bithynie ; 4°. une ville de la Palestine ; 5°. une fontaine de l’île de Chio ; 6°. une riviere dont parle Sidonius Apollinaris, & qui est la Canche. (D. J.)

Hélene (Sainte), Géog. île de la mer Atlantique, qui a six lieues de circuit ; elle est haute, montueuse, & entourée de rochers escarpés. Les montagnes qui se découvrent à 25 lieues en mer, sont couvertes la plûpart de verdure & de grands arbres, comme l’ébénier, tandis que les vallées sont fertiles en toutes sortes de fruits, & d’excellens légumes ; les arbres fruitiers y ont en même tems des fleurs, des fruits verds & des fruits mûrs ; les forêts sont remplies d’orangers, de limoniers, de citronniers, &c. Il y a du gibier & des oiseaux en grande quantité, de la volaille, & du bétail qui est sauvage. La mer y est fort poissonneuse ; la seule incommodité qu’on éprouve, vient de la part des mouches & des araignées qui y sont monstrueusement grosses.

Cette île fut découverte par Jean de Nova, Portugais, en 1502, le jour de sainte Hélene. Les Portugais l’ayant abandonnée, les Hollandois s’en emparerent, & la quitterent pour le cap de Bonne-Espérance. La compagnie des Indes d’Angleterre s’en saisit ; & depuis, les Anglois l’ont possédée, & l’ont mise en état de se bien défendre. Long. selon Halley, 11. 32. 30. lat. mérid. 16.

Il y a une autre île de ce nom dans l’Amérique septentrionale au Canada, dans le fleuve de S. Laurent, vis-à-vis de Mont-Réal. (D. J.)