L’Encyclopédie/1re édition/HASTE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 62).
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* HASTE, s. f. (hist. anc.) pique. Les Juifs en ont connu l’usage ; il y en avoit de deux sortes : toutes les deux à hampe garnies à son extrémité d’un fer pointu ; mais l’une à hampe courte ou manche, & l’autre à hampe longue. On pointoit avec la premiere ; on lançoit la seconde. Les cavaliers & les fantassins en étoient indistinctement armés ; les généraux d’armées, les officiers de distinction, & même les rois la portoient. Les Grecs ont eu pareillement la haste longue ; c’est leur enchos ; & la haste courte, c’est leur doru. La longue avoit encore à son extrémité opposée à la pointe, un bout de fer aigu, au moyen duquel on la fichoit en terre. Les Eubéens étoient les plus redoutables à la haste longue, & les Locriens à la haste courte. Les piques longues & courtes étoient consacrées aux dieux, & l’on juroit sur elles ; on les enfermoit dans un étui en tems de paix ; on attribuoit chez les Romains l’invention de la pique aux Hétruriens qui la nommoient corini, & les Sabins quirini. Elle marquoit jurisdiction ; il y en avoit dans le lieu d’assemblée des centumvirs, & dans ceux où l’on mettoit à l’encan les biens confisqués ; d’où vient l’expression hastæ subjicere. Le nombre des différentes hastes romaines est grand ; la pesante qui se portoit au moyen d’une courroie passée sur sa hampe, s’appelloit amentata. Celle sous laquelle on affermoit les revenus publics, s’appelloit censoria ; la haste des séances des centumvirs, centumviralis ; la haste symbolique de l’union conjugale, cælibaris ; la haste à hampe rouge qui abandonnoit au pillage du soldat une ville prise, cruenta ; celle qu’on voyoit aux environs des tribunaux des decemvirs, decemviralis ; celle que le héraut lançoit sur le territoire ennemi, en signe de déclaration de guerre, fecialis ; elle étoit rouge : la haste sous laquelle on vendoit quelque chose au profit du fisc, fiscalis ; celle sous laquelle dans les tems de disette on distribuoit aux peuples des denrées à un prix modéré, frumentaria, ou salutis ; celle qui marquoit la dignité & la puissance prétorienne, prætorialis ; la haste pure, hasta pura, fut décernée aux soldats qui s’étoient distingués par leur bravoure ; la haste questorienne, quæstoria, se plantoit dans les occasions où le peuple apportoit au trésor public sa taxe ; la haste sacrée, sacra, étoit celle qu’on voyoit à quelques divinités ; si elle s’agitoit, c’étoit un mauvais présage. Toutes ces hastes ont passé de l’histoire dans l’art numismatique, sur-tout l’hasta pura, qui n’étoit, à proprement parler, que le bois d’une javeline, attribut de la puissance de quelques divinités, & marque d’une bravoure récompensée.