L’Encyclopédie/1re édition/HAMADRIADE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 33).
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HAMADRIADE, s. f. (Mythol.) nymphe de la fable ; les hamadryades étoient des nymphes dont le destin dépendoit de certains arbres avec lesquels elles naissoient & mouroient ; ce qui les distingue des dryades, dont la vie n’étoit point attachée aux arbres. C’étoit principalement avec les chênes que les hamadryades avoient cette union, comme l’indique leur nom, composé de ἅμα, ensemble, & δρῦς, un chêne.

Quoique ces nymphes ne pussent survivre à leurs arbres, elles n’en étoient pas cependant absolument inséparables ; puisque, selon Homere, elles alloient par échappées sacrifier à Vénus dans les cavernes avec les satyres ; &, selon Séneque, elles quittoient leurs arbres pour venir entendre le chant d’Orphée. On dit qu’elles témoignerent quelquefois une extrème reconnoissance à ceux qui les garantirent de la mort ; & que ceux qui n’eurent aucun égard aux humbles prieres qu’elles leur firent d’épargner les arbres dont elles dépendoient, en furent sévérement punis : Péribée l’éprouva bien, au rapport d’Apollonius de Rhodes.

Mais il vaut mieux lire la maniere dont Ovide dépeint les complaintes & l’infortune de l’hamadryade que l’impie Erysichton fit périr ; elle vivoit dans un vieux chêne respectable, qui, dit-il, surpassoit autant tous les autres arbres que ceux-ci surpassent l’herbe & les roseaux. A peine Erysichton lui eut-il porté un premier coup de hache, qu’on l’entendit pousser des gémissemens, & qu’on en vit couler du sang ; le coup étant redoublé, l’hamadryade éleva fortement sa voix : « Je suis, dit-elle, une nymphe chérie de Cérès ; tu m’arraches la vie, mais j’aurai au moins en mourant la consolation de t’apprendre que je serai bien-tôt vengée » :

Editus e medio sonus est cum robore talis :
Nympha sub hoc ego sum, Cereri gratissima, ligno,
Quæ tibi factorum pœnas instare tuorum
Vaticinor moriens, nostri solatia lethi.

Métam. lib. viij. v. 763.

Les hamadryades ne doivent donc pas être censées immortelles, puisqu’elles mouroient avec leurs arbres. Je sai bien qu’Hésiode donne à leur vie une durée prodigieuse dans un fragment cité par Plutarque, selon lequel, en prenant la supputation la plus modérée des Mythologistes, la carriere des hamadryades s’étendoit jusqu’à 9720 ans ; mais ce calcul fabuleux ne s’accorde guere avec la durée des arbres, de ceux-là même à qui Pline, lib. XVI. c. xliv. donne la plus longue vie.

Cependant il n’a pas été difficile au payens d’imaginer l’existence de ces sortes de nymphes ; car ils concevoient des sentimens de vénération & de religion pour les arbres, qu’ils croyoient être fort vieux, & dont la grandeur extraordinaire leur paroissoit un signe de longue durée. Il étoit simple de passer de-là jusqu’à croire que de tels arbres étoient la demeure d’une divinité. Alors on en fit une idole naturelle ; je veux dire, qu’on se persuada que sans le secours des consécrations, qui faisoient descendre dans les statues la divinité à laquelle on les dédioit, une nymphe, une divinité, s’étoit concentrée dans ces arbres. Le chêne qu’Erysichton coupa étoit vénéré pour sa grandeur & pour sa vieillesse. On l’ornoit comme un lieu sacré ; on y appendoit les témoignages du bon succès de sa dévotion, & les monumens d’un vœu exaucé ; Ovide nous apprend tout cela :

Stabat in his ingens annoso robore quercus
Una, nemus : vitæ mediam memoresque tabellæ
Certaque cingebant, voti argumenta potentis.