L’Encyclopédie/1re édition/HÉCATE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 93).

HÉCATE, subst. f. (Mythol.) divinité du Paganisme. Rien n’est plus incertain que sa naissance ; Musée la déclare fille du Soleil, d’autres de la Nuit, d’autres de Cérès & de Jupiter, d’autres encore de ce dieu & de Latone : mais la plûpart prétendent qu’elle étoit fille de Persée & d’Astérie, dont Jupiter avoit eu les faveurs, avant que de faire lui-même ce mariage.

Suivant l’opinion commune, Hécate est la même que Proserpine, que Diane, & que la Lune ; c’est-à-dire qu’elle avoit trois noms, celui de la Lune dans le ciel, de Diane sur la terre, & de Proserpine dans les enfers : voilà pourquoi elle est appellée la triple Hécate, ou la déesse à trois formes, dea triformis, & dans Ovide tergeminaque Hecates.

On la représentoit tantôt par trois figures adossées les unes aux autres ; tantôt par un seul corps qui porte trois têtes & quatre bras, disposés de maniere que de quelque côté qu’on se tourne, chaque tête a ses deux bras. D’une main elle porte un flambeau qui lui a valu le titre de lacifera ; des deux autres mains elle tient un foüet & un glaive, comme gardienne des enfers ; & dans la quatrieme on lui met un serpent, parce qu’elle présidoit à la santé, dont le serpent est le symbole.

On la peignoit à trois faces, suivant quelques mythologistes, à cause des trois faces que la Lune fait voir dans son cours ; & selon d’autres, parce qu’elle domine sur la naissance, sur la santé, & sur la mort : entant qu’elle regne sur la naissance, c’est Lucine, dit Servien ; entant qu’elle veille à la santé, c’est Diane ; & le nom d’Hécate lui convient entant qu’elle commande à la mort.

Hésiode parle d’Hécate comme d’une déesse terrible, pour qui Jupiter a plus d’égards que pour aucune autre divinité, parce qu’elle a, pour ainsi dire, le destin de la terre entre ses mains, qu’elle distribue les biens à ceux qui l’honorent, qu’elle préside au conseil des rois, aux accouchemens & aux songes.

Elle étoit aussi la déesse des magiciennes & des enchanteresses ; c’est pour cela qu’on la fait mere de Circé & de Médée : du-moins dans Eurypide, cette derniere, avant de commencer ses opérations magiques, invoque Hécate sa mere. Elle passoit encore, comme je l’ai dit, pour la déesse des spectres & des songes : Ulysse voulant se délivrer de ceux dont il étoit tourmenté, eut soin de lui consacrer un temple en Sicile.

Enfin, selon le scholiaste de Théocrite, Hécate étoit la déesse des expiations ; & sous ce titre on lui immoloit de petits chiens, & on lui élevoit des statues dans les carrefours, où elle étoit appellée Trivia. Aussi Lycophron l’appelle Κυνοσφαγὴς, & Ovide semblablement canum mactatrix : Etienne de Bysance & Suidas parlent de l’antre où on lui faisoit ces sortes de sacrifices ; il étoit en Thrace dans la ville de Zérinthe : mais elle avoit en plusieurs autres pays un culte & des autels ; l’ancienne Géographie fournit même certains lieux qui en tiroient leurs noms.

Servius dérive celui d’Hécate du mot grec ἑκατον, cent, ou parce qu’on lui offroit cent victimes à-la-fois, ou plûtôt parce qu’on croyoit qu’elle retenoit cent ans au-delà du Styx les ames de ceux qui avoient été privés de la sépulture. Si vous êtes curieux de plus grands détails, consultez Meursius sur Lycophron, Servius sur Virgile, Barthius sur Stace, & Vossius sur l’idolatrie. (D. J.)