L’Encyclopédie/1re édition/GUANÇAVELICA, ou GUANCABELICA

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GUANÇAVELICA, ou GUANCABELICA, (Géogr.) petite ville de l’Amérique méridionale au Pérou, dans l’audience de Lima, à 60 lieues de Pisco. Long. 305. 30. lat. mérid. 12. 40.

C’est auprès de cette ville qu’est la grande miniere de mercure, qui sert à purifier l’or & l’argent de toute l’Amérique méridionale. Cette mine est creusée dans une montagne fort vaste, & les seules dépenses qu’on a faites en bois pour la soûtenir, sont immenses. On trouve dans cette mine des places, des rues, & une chapelle où l’on célebre la messe les jours de fêtes ; on y est éclairé par un grand nombre de chandelles allumées pendant qu’on y travaille. Les particuliers y font travailler à leurs frais, & sont obligés sous les plus grandes peines de remettre au roi d’Espagne tout le mercure qu’ils en tirent. On le leur paye à un certain prix fixé ; & lorsqu’on en a tiré une quantité suffisante, l’entrée de la mine est fermée, & personne n’en peut avoir que de celui des magasins. On tire communément tous les ans des mines de Guançavelica, pour un million de livres de vif-argent, qu’on mene par terre à Lima, puis à Arica, & de-là à Potosi. Les Indiens qui travaillent dans ces mines deviennent au bout de quelques années perclus de tous leurs membres, & périssent enfin misérablement.

La terre qui contient le vif-argent des mines de Guançavelica, est d’un rouge blanchâtre, comme de la brique mal cuite ; on la concasse, dit M. Frézier (voyages de la mer du sud), & on la met dans un fourneau de terre, dont le chapiteau est une voûte en cul-de-four, un peu sphéroïde ; on l’étend sur une grille de fer recouverte de terre, sous laquelle on entretient un petit feu avec de l’herbe icho, qui est plus propre à cela que toute autre matiere combustible ; c’est pourquoi il est défendu de la couper à 20 lieues à la ronde. La chaleur se communique au-travers de cette terre, & échauffe tellement le minérai concassé, que le vif-argent en sort volatilisé en fumée ; mais comme le chapiteau est exactement bouché, elle ne trouve d’issue que par un petit trou qui communique à une suite de cucurbites de terre, rondes, & emboîtées par le cou les unes dans les autres ; là cette fumée circule & se condense, par le moyen d’un peu d’eau qu’il y a au fond de chaque cucurbite, où le vif-argent tombe condensé, & en liqueur bien formée. Dans les premieres cucurbites, il s’en forme moins que dans les dernieres ; & comme elles s’échauffent si fort qu’elles casseroient, on a soin de les rafraîchir par-dehors avec de l’eau. (D. J.)