L’Encyclopédie/1re édition/GROS-DE-TOURS, et GROS-DE-NAPLES

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* GROS-DE-TOURS, & GROS-DE-NAPLES, s. m. (Manufacture en soie.) étoffe de soie, dont la chaine & la trame sont plus fortes qu’au taffetas. La différence du gros-de-Tours & du gros-de-Naples consiste en ce que la trame & la chaine de celui-ci sont encore plus fortes qu’au gros-de-Tours, ce qui lui donne un grain plus saillant. Il y en a d’unis, de rayés, de façonnés, de brochés en soie, & en dorure. Ceux-ci ne different du taffetas, qu’en ce qu’au lieu de deux coups de navette qu’on passe au taffetas entre les lacs broches, on n’en passe qu’un ici ; mais en revanche la trame en doit être d’autant plus grosse, n’y ayant qu’une duie ou un croisé entre les brochés, au lieu qu’il y en a deux au taffetas.

Le liage doit aussi différer. Il le faut prendre sur chaque lisse, c’est-à-dire de 4 le 5, afin qu’à chaque coup de navette, on puisse taire baisser la lisse sur laquelle se trouvent les fils qui doivent lier. Ainsi dans l’ordre du remettage, la premiere lisse fournira le fil de la premiere lisse de liage ; la seconde, celui de la seconde de liage, & ainsi des deux autres.

Si l’on veut commencer à lier par la premiere lisse, pour éviter la contrariété, on fera lever la seconde & la quatrieme au premier coup ; au second coup, où la seconde lisse de liage doit baisser, on fera lever la premiere & la troisieme ; au troisieme coup, où la troisieme lisse de liage doit baisser, on fera lever la seconde & la quatrieme ; & au quatrieme & dernier coup du course, où la quatrieme lisse de liage doit baisser, on fera lever la premiere & la troisieme lisse.

Il ne faut pas oublier que dans les taffetas & gros-de-Tours façonnés ou à la tire, les fils sont doubles à chaque maille, & passés comme dans les satins brochés ; mais comme ces étoffes levent la chaîne moitié par moitié, & qu’il y auroit à craindre que les fils de dessous ne suivîssent ceux de dessus, ou qui levent, on a soin de mettre à ces étoffes autant de lisses pour rabattre, que de lisses pour lever, c’est-à-dire quatre de chaque façon ; de maniere que quand la premiere lisse & la troisieme levent, on a soin de faire baisser la seconde & la quatrieme : ce qui fait que l’ouverture est nette & que l’étoffe vient parfaite. Pareillement quand on fait lever la seconde & la quatrieme, on fait baisser la premiere & la troisieme.

Voici l’armure du gros-de-Tours broché à l’ordinaire.

On fait aussi des gros-de-Tours dans lesquels on ne fait point baisser de lisses de rabat au coup de fond : parce qu’on tire un lac qui fait une figure ordinairement délicate, & qui ne paroîtroit pas, si on faisoit rabattre la moitié ; elle ne formeroit pour lors que le gros-de-Tours ordinaire, comme si on ne tiroit point du-tout : au lieu que le rabat ne baissant point, cette figure embellit le fond. Il faut pour ce genre d’étoffe une soie très-belle, afin que les fils qui ne levent point, ne suivent pas en partie ceux qui levent.

C’est la même démonstration pour le taffetas façonné que pour le gros de-Tours, avec cette différence qu’au taffetas façonné, au lieu de commencer le liage par la quatrieme lisse, il faudroit le commencer par la premiere, afin d’éviter la contrariété des mouvemens dont on a parlé ci-dessus, & contre laquelle on ne peut trop se mettre en garde.