L’Encyclopédie/1re édition/GRANIT, ou GRANITE

◄  GRANIQUE
GRANSBAINS  ►

GRANIT, ou GRANITE, (Hist. nat. Lithologie.) c’est une pierre opaque très-dure, qui donne des étincelles lorsqu’on la frappe avec de l’acier, & qui doit être mise par conséquent au rang des jaspes ou des pierres quartreuses & non des marbres, comme quelques auteurs l’on prétendu ; les acides n’agissent point sur les vrais granits. Wallerius fait du granit une variété du porphyre ; il y a tout lieu de croire que ce n’est qu’une même pierre, qui n’en differe que par la couleur qui est purement accidentelle, & qui ne change rien à la nature de la pierre. Voyez Porphyre. Cependant M. Pott prétend que le granit est d’un grain beaucoup plus grossier que le porphyre. Le granit est ordinairement d’un blanc sale, rempli de taches noirâtres, ou d’un gris foncé ; il y en a dans lequel on trouve des particules talqueuses, luisantes, ou du mica. Il y a du granit qui est entre-mêlé de taches d’un rouge pâle, d’autre d’un rouge violet ; c’est celui que les Italiens nomment granito rosso ; il étoit le plus estimé des anciens, qui le nommoient syenites ou piropæcilon. On le trouvoit, suivant Pline, en Arabie, & dans la haute Egypte ; il prenoit un poli admirable. C’est de cette espece de granit que sont faits les fameux obélisques égyptiens que l’on voit encore à Rome. Voyez Pline, Hist. natur. livre XXXVI. chap. viij. Quelques gens ont cru que le granit étoit une pierre composée par art, & que les anciens avoient le secret de coller ensemble de petits morceaux de pierres pour en former des colonnes ou des obélisques d’une grandeur demesurée ; c’est la grandeur de ces ouvrages qui semble avoir donné lieu à cette opinion qui n’est point fondée ; car, suivant le témoignage de Shaw, dans ses voyages en Egypte & au Levant, on voit encore des carrieres considérables de granit dans l’Arabie pétrée. Il s’en trouve encore dans beaucoup d’autres parties du monde ; le granit se rencontre en masses de roche d’une grandeur énorme, & tout l’art des anciens consistoit à en détacher des morceaux très-grands dont ils faisoient leurs colonnes & leurs obélisques.

C’est improprement que l’on donne le nom de granit à des pierres composées qui ont à peu-près le même coup-d’œil que lui ; ces dernieres ne sont pas à beaucoup-près d’une dureté aussi grande ; il y en a de ces dernieres qui sont composées en grande partie de spath calcaire feuilleté ; elles s’égrenent facilement & se pulvérisent. On trouve aussi des particules de quartz qui sont très-dures dans ces faux granits : quand on ne s’en rapporte qu’au coup-d’œil, il est très-aisé de se tromper, & l’on jetteroit une grande confusion dans l’histoire naturelle des pierres, en appellant granit tout ce qui lui ressemble ; il paroît que l’on ne doit donner ce nom qu’à une pierre composée, dont toutes les parties sont très-dures. Au reste, il semble que les particules noires qui se trouvent même dans le granit véritable, n’ont point encore été suffisamment examinées ; il y a des raisons de présumer qu’elles ne sont point de la même nature que les particules blanches ou rouges qu’on y remarque.

Le Dauphiné est rempli de roches de granit blanc & gris, sur-tout le long des bords du Rhône ; il s’en trouve aussi en Bourgogne & en Bretagne : mais souvent celui qu’on trouve dans ces deux provinces semble devoir être mis dans la classe du faux granit, étant entre-mêlé de parties spathiques & calcaires. (—)

Presque toutes les îles de l’Archipel sont couvertes d’un granit blanc ou grisâtre, pétri naturellement avec des morceaux de talc noirâtres & brillans. M. de Tournefort en a vû à Constantinople, dont le fond est isabelle, piqué de taches couleur d’acier.

Le granit violet oriental, qui est marqueté de rouge & de blanc, vient de l’île de Chypre.

Le granit se trouve aussi fréquemment dans toute l’Europe ; celui de Corse qu’on tire près de San-Bonifacio, est rouge, mêlé de taches blanches ; celui de Monte-Antico, près de Sienne, est verd & noir. Celui de l’île d’Elbe sur la côte de Toscane, est roussâtre ; les Romains l’aimoient, & en tiroient une grande quantité de cet endroit là. Le granit psaronien est ainsi nommé de ses taches qui imitent la couleur du sansonet ; le granit de Saxe est pourpre. La basse-Normandie a des carrieres de granit du côté de Granville, qu’on employe sous le nom de carreaux de Saint-Sévere pour les chambranles des portes & des cheminées ; le Maine a du granit difficile à polir. Celui de Dauphiné est une espece de caillou extrèmement dur, & d’ailleurs bien veiné ; sa réputation avoit été autrefois grande ; mais la carriere ayant été négligée, on en a presque perdu la connoissance. Toutes les colonnes qui passent pour être de pierre fondue, sont de granit des provinces de ce royaume.

On trouve en abondance dans l’île de Minorque de superbe granit rouge & blanc, marqueté de noir, de blanc, & de jaunâtre, dont on a fait à Londres de très-beaux dessus de table. L’Angleterre, l’Irlande, les comtés de Cornouailles & de Devonshire, possedent deux sortes de granit, du noir & blanc, fort dur, qu’on nomme moor-stone, & du granit rouge, blanc, & noir, d’une grande beauté. (D. J.)