L’Encyclopédie/1re édition/GORTYNE

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GORTYNE, (Géog. anc.) ancienne ville de l’île de Crete, au milieu des terres, selon Ptolomée. M. de Tournefort après avoir été visiter ses ruines, en a joint l’histoire à la description : Lisez-la dans ses voyages.

L’origine de Gortyne est aussi obscure que celle de la plûpart des autres villes du monde : on sait seulement que Gortyne avoit partagé l’empire de l’île de Crete, avant que les Romains s’en fussent emparés.

Les ruines de cette ville qui sont à six milles du mont Ida, prouvent encore qu’elle a dû être sa magnificence, puisqu’on ne découvre de tous côtés que chapiteaux & architraves, qui sont peut-être des débris de ce fameux temple de Diane, où Annibal après la défaite d’Antiochus, fit semblant de cacher ses thrésors : on y voyoit encore dans le siecle passé plusieurs colonnes de jaspe rouge, semblable au jaspe de Cone en Languedoc, & plusieurs autres semblables au campan employé à Versailles : mais comment regarder ces objets précieux sans quelque peine ? On laboure, on seme, on fait paître des troupeaux au milieu des restes d’une prodigieuse quantité de marbre, de jaspe & de granite, travaillés avec le plus grand soin : au lieu de ces grands hommes qui avoient fait élever de si beaux édifices, on ne voit que de pauvres bergers. En parcourant tant de pays, autrefois le séjour des Arts, aujourd’hui celui de la barbatie, on se rappelle à chaque pas l’Et campos ubi Troja fuit.

A l’extrémité de la ville, entre le septentrion & le couchant, tout près d’un ruisseau, qui sans doute est le fleuve Lethé, lequel au rapport de Strabon & de Solin, se répandoit dans les rues de Gortyne, se trouvent encore d’assez beaux restes d’un temple du Paganisme.

Théophraste, Varron & Pline parlent d’une platane qui se voyoit à Gortyne, & qui ne perdoit ses feuilles qu’à-mesure que les nouvelles poussoient. Peut-être en trouveroit-on encore quelqu’un de cette espece parmi ceux qui naissent en grand nombre le long du ruisseau Lethé, qu’Europe remonta jusqu’à Gortyne sur le dos d’un taureau. Ce platane toûjours verd, parut autrefois si singulier aux Grecs, qu’ils publierent que les premieres amours de Jupiter & d’Europe s’étoient passées sous ses feuillages.

Cette avanture, quoique fabuleuse, donna vraissemblablement occasion aux habitans de Gortyne de frapper une médaille, qui est dans le cabinet du roi. On y voit d’un côté Europe assez triste, assise sur un arbre moitié platane, moitié palmier, au pié duquel est une aigle à qui elle tourne le dos. La même princesse est représentée de l’autre côté assise sur un taureau, entouré d’une bordure de feuilles de laurier. Antoine Augustin archevêque de Taragone (dial. 1.), parle d’un semblable type. Pline dit que l’on tâcha de multiplier dans l’île l’espece de ce platane ; mais qu’elle dégénéra, c’est-à-dire que les nouveaux piés perdirent leurs feuilles en hyver, de même que les communs.

Nous avons encore des médailles de Gortyne frappées aux têtes de Germanicus, de Caligula, de Trajan, d’Aérien, dont peut-être la plus belle est dans le cabinet du roi. Elle marque qu’on s’assembloit à Gortyne pour y célébrer les jeux en l’honneur d’Adrien. (D. J.)