L’Encyclopédie/1re édition/GANTELÉE

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GANTELÉE, s. f. (Botaniq.) espece de campanule, nommée campanula vulgatior, foliis urticæ, major & asperior, par C. B. Pin. 94. J. Bauh. ij. 805. hist. oxon. 459. Buxb. 52. Boërh. ind. A. 249. Tournefort, inst. 109. élém. bot. 90. Raii, synops. iij. 276. trachelium majus, par Ger. 369. émac. 448. Raii, hist. j. 742. Meret, Pin. 119. campanula radice esculentà, flore cæruleo. H. L.

Sa racine est vivace, assez grosse, longue, branchue, blanche, d’un goût aussi agréable que celui de la raiponce ; elle pousse plusieurs tiges hautes de deux à trois piés, quelquefois grosses comme le petit doigt, anguleuses, cannelées, creuses, rougeâtres, velues ; ses feuilles disposées alternativement le long des tiges, sont semblables à celles de l’ortie commune, d’un verd foncé, rudes au toucher, pointues sans être piquantes, garnies de poils ; celles d’en-bas sont attachées à de longues queues, au lieu que celles d’en-haut tiennent à des queues courtes. Ses fleurs sortent des aisselles des feuilles ; elles sont velues en-dedans, faites en cloches évasées, & découpées sur les bords en cinq parties, de couleur bleue ou violette, quelquefois blanche ; elles sont soûtenues chacune par un petit calice découpé aussi en cinq parties ; elles ont dans leur milieu cinq étamines capillaires très courtes, à sommet long & applati. Lorsque la fleur est tombée, le calice devient un fruit membraneux, arrondi, anguleux, divisé en plusieurs loges troüées latéralement, & qui contiennent beaucoup de semences menues, luisantes, roussâtres.

Cette plante, qui donne du lait quand on la coupe, croît fréquemment dans les bois taillis, dans les hauts bois, dans les haies, dans les prés, aux lieux secs comme aux lieux sombres & ombrageux ; elle fleurit en été ; & sa graine mûrit vers l’automne. On la cultive dans quelques jardins potagers, à cause de sa racine, qui peut tenir lieu de raiponce dans les salades, au commencement du printems : mais les curieux ont trouvé l’art de faire porter à cette plante, de belles fleurs doubles blanches, doubles bleues, même triples & quadruples.

On peut, sans se servir de graines, multiplier la gantelée ainsi que la raiponce, le raifort sauvage, & plusieurs autres plantes de cette famille, par de petites tranches coupées de ses racines, qu’on met en terre. On sait comment cela s’exécute ; d’abord après avoir tiré de la terre avec adresse & sans dommage la racine de ces sortes de plantes, pendant que cette racine est dans sa vigueur, on la taille par trancher ou par roüelles, de l’épaisseur de trois ou quatre lignes : on remet ensuite chacune de ces roüelles séparément dans une terre convenable ; & elles produisent chacune de la même espece.

Si lorsque M. Marchand, botaniste de ce siecle, rapporta cette expérience très-vraie à l’académie des Sciences, il crut lui parler d’une nouvelle découverte qu’il avoit faite, il se trompa beaucoup ; car long-tems avant lui, les fleuristes d’Angleterre, d’Hollande, & de Flandres, ne connoissoient pas de meilleure méthode pour multiplier leurs belles fleurs à racine tubéreuse ; méthode qu’ils continuent toûjours de pratiquer avec succès, & qui prouve assez ce que peut l’industrie pour arracher les secrets de la nature. (D. J.)