L’Encyclopédie/1re édition/GAGNER
* GAGNER, verbe actif, & quelquefois neutre. La principale signification de ce mot est relative à l’idée d’accroissement & de profit ; un marchand gagne beaucoup, lorsqu’il vend beaucoup & cher. On gagne sur un marché, lorsque la chose est achetée au-dessous de son prix ; un ouvrier gagne tant par jour : gagner se dit alors de son salaire. On gagne l’estime, l’amitié, la bienveillance, la confiance, l’esprit des autres. On gagne un juge, soit en le fléchissant, lorsqu’il est trop severe, soit en le corrompant, lorsqu’il est inique ; on livre un combat, & on gagne une bataille ou du terrein, un prix, une partie, une gageure. Le feu gagne le toit de la maison ; l’eau gagne les caves : dans ces cas, gagner est synonyme à atteindre. On gagne le vent ; voyez Gagner (Marine.) On gagne l’épaule ou la volonté du cheval ; voyez Gagner (Manege.) On gagne du tems ; on gagne sa vie, &c. Ce verbe a une infinité d’acceptions différentes. Voyez les articles suivans, & l’article Gain.
Gagner le vent, Gagner le dessus de vent, (Marine.) c’est prendre l’avantage du vent sur son ennemi ; ce qui se fait en courant plusieurs bordées, en changeant promptement de bord, lorsque le vent a donné, & en faisant bien gouverner. Voyez Vent.
Gagner au vent, monter au vent, c’est lorsqu’un vaisseau qui étoit sous le vent se trouve au vent par la bonne manœuvre qu’il a faite.
Gagner sur un vaisseau, c’est lorsqu’on cingle mieux que lui, & que l’on s’en est approché ou qu’on l’a dépassé. (Z)
Gagner, (Jardinage.) c’est un terme reçû chez les Fleuristes, pour dire que la graine qu’on a semée a produit un nouvel œillet, une oreille d’ours, une renoncule, une anemone, & autres. (K)
Gagner l’épaule du cheval, (Manége.) expression qui suppose dans le jeu, dans le mouvement, & dans l’action de cette partie, un défaut quelconque que l’on réprime, ou que l’on corrige par le secours de l’art ; soit que ce défaut provienne de la nature & de la conformation de l’animal, soit qu’on puisse le regarder comme un de ces vices acquis, & nés de l’ignorance de celui qui l’exerce & qui le travaille.
Cette maniere de s’exprimer est encore usitée, relativement aux parties mobiles de l’arriere-main, lorsque le cavalier leur imprime un mouvement auquel elles se refusent.
On ne sauroit prévenir avec trop de soin & d’attention les mauvaises habitudes que la plûpart des chevaux peuvent contracter dans les leçon, qu’ils reçoivent, sur-tout quand elles sont données sans ordre, sans méthode, sans choix, & qu’on ne conduit point exactement l’animal, selon les gradations & l’enchainement ; d’où résulte inévitablement en lui la facilité de l’exécution. (e)
Gagner la volonté du cheval, (Manége.) c’est de la part du cavalier la faire plier sous le joug de la sienne. Cette définition annonce que l’expression dont il s’agit, est spécialement & particulierement adoptée, dans le cas où nous triomphons d’une opposition marquée, & d’une résistance véritable de la part de l’animal.
Pour contraindre & pour gêner en lui l’acte ou l’exercice de cette puissance avec quelqu’avantage, la patience & la douceur suffisent ; la force & la rigueur augmentent son opiniâtreté, & l’avilissent plûtôt qu’elles ne changent ses déterminations. (e)