L’Encyclopédie/1re édition/GÈNES
GÈNES, (l’État de) Géog. hist. République d’Italie, dont Gènes est la capitale ; elle comprend la côte de Gènes, en latin ligustica littora, l’île de Corse, & l’île de Capraïa vis-à-vis la côte de Toscane.
De tous les états qui partagent l’Europe, il n’y en a peut-être pas qui ait éprouvé autant de révolutions que celui de Gènes. Connu dans l’histoire plus de deux siecles avant J. C. il a été successivement exposé aux entreprises-des Romains jusqu’à la chûte de leur empire ; des Goths, jusqu’à ce que Narsès eut renversé le nouveau royaume qu’ils avoient formé ; des Lombards sous Rotharis, de Charlemagne, & de ses descendans en Italie.
Les Sarrasins qui ont ravagé la côte à plusieurs reprises, ont considérablement inquiété la ville jusqu’au dixieme siecle ; mais comme c’étoit un port commerçant, le négoce qui l’avoit fait fleurir, servit à la soûtenir. En peu de tems même les Génois furent en état de chasser les Arabes de leurs côtes, & de reprendre sur eux l’île de Corse dont ils s’étoient emparés.
Les richesses & les autres avantages de la navigation mirent cette nouvelle république à portée de donner de puissans secours aux princes armés dans les croisades : en vain les Pisans lui déclarerent la guerre en 1125 ; l’avantage fut entierement du côté des Génois. Enfin l’enthousiasme de la liberté rendit cet état capable des plus grandes choses, & il parvint à concilier l’opulence du commerce avec la supériorité des armes. Dans le treizieme siecle il remporta de telles victoires contre Pise & Venise réunies ensemble, que les Pisans ne se releverent jamais de leurs défaites, & que les Vénitiens furent obligés de demander la paix.
Malheureusement les esprits échauffés d’abord par l’amour de la patrie, ne le furent dans la suite que par la jalousie & par l’ambition. Ces deux cruelles passions n’arrêterent pas seulement les progrès de la république de Gènes, elles la remplirent cent fois d’horreur & de confusion par la part que prirent dans ses troubles les empereurs Robert roi de Naples, les Visconti, les marquis de Monferrat, les Sforces, & la France, qui y furent successivement appellés par les différens partis qui la divisoient. Enfin André Doria ayant eu le bonheur & l’habileté de réunir les esprits de ses concitoyens, il parvint en 1528 à établir dans Gènes l’ordre du gouvernement aristocratique qui y subsiste encore aujourd’hui, & qui est connu de tout le monde. Ce grand homme qui auroit pu peut-être s’emparer de la souveraineté, se contenta d’avoir affermi la liberté, & procuré la tranquillité si nécessaire à sa patrie.
Gènes dans ses tems florissans possédoit plusieurs îles de l’Archipel, & plusieurs villes sur les côtes de la Grece & de la mer Noire ; Pera même, un des fauxbourgs de Constantinople, étoit sous sa domination : mais l’aggrandissement de la puissance ottomane lui ayant fait perdre toutes ces possessions là, son commerce du Levant en a tellement souffert, qu’à peine voit-on paroître à-présent quelqu’un de ses vaisseaux dans les états du grand-seigneur.
Son principal commerce consiste en soies greges & en matasses qu’elle tire de toute l’Italie ; en velours, damas, satins, tapis, draps d’or & d’argent, papeteries, fer en œuvre, & autres manufactures considérables. La construction des vaisseaux, tant pour sa propre navigation que pour l’usage des étrangers, est encore un objet fort important. La république entretient cinq galeres & quelques frégates, & autres bâtimens, en course contre les Barbaresques, avec lesquels elle est habituellement en guerre.
Gènes & Venise long-tems rivales, sont aujourd’hui revenues à une espece d’égalité pour le négoce ; avec cette différence que les Vénitiens en font un plus considérable dans le Levant ; & les Génois un plus grand que les Vénitiens en France, en Espagne, en Portugal, & ailleurs. Une grande partie des particuliers génois trafiquent en banque, ou autrement ; & leur opulence est communément d’une grande ressource à l’état. (D. J.)
Gènes, (Géog.) Genua ; & dans les siecles ignorans du moyen âge, Janua, comme si Janus en étoit le fondateur ; ancienne, forte, riche ville, & l’une des principales d’Italie, capitale de la république de Gènes, avec un archevêché & un bon port. Les églises, les édifices publics & les palais y sont magnifiques : les palais se suivent sans être joints avec des maisons ordinaires ; ce qui fait le plus bel effet qu’on puisse desirer. Cette ville commerçante est presque au milieu de l’état de Gènes, en partie dans la plaine, & en partie sur une colline près de la Méditerranée, dans une heureuse & riante situation, à 28 lieues sud-oüest de Milan, 25 sud-est de Turin, 26 sud-oüest de Parme, 45 nord-oüest de Florence, 90 nord-oüest de Rome. Long. suivant Salvego, Cassini & le pere Grimaldi, 26d 7′ 15″. latit. 44d 25′ 0″. (D. J.)