L’Encyclopédie/1re édition/FOUET

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* FOUET, s. m. se dit en général de tout instrument de correction ; il y en a pour l’homme & pour les animaux. Les pénitens se fouettent ; on fouette les singes, les chiens, les chevaux. On fait donner le fouet aux enfans, dans l’âge où l’on ne peut encore se faire entendre à la raison. Fouet se dit alors & de l’instrument & du châtiment : il y a des fouets de toutes sortes de formes & d’un grand nombre de matieres : presque tous ceux dont on use pour les animaux sont terminés par une petite ficelle nouée en plusieurs endroits : c’est de cet usage que cette ficelle a pris le nom de fouet.

Fouet, (Jurispr.) est une des peines que l’on inflige aux criminels.

L’usage en est fort ancien ; il avoit lieu chez les Juifs, chez les Grecs & les Romains ; & il en est souvent parlé dans les historiens du bas empire.

Cette peine étoit reputée legere chez les Romains ; elle n’emportoit aucune infamie, même contre des hommes libres & ingénus.

En France elle est reputée plus legere que les galeres à tems, & plus rigoureuse que l’amende honorable & le bannissement à tems ; ordonnance de 1670, tit. xxv. art. 13. elle emporte toûjours infamie.

Le fouet se donne sur les épaules du criminel à nud ; autrefois on le donnoit avec des baguettes, avec des escourgées ou fouets faits de courroies & lanieres de cuir avec des plombeaux, des scorpions ou lanieres garnies de pointes de fer comme la queue d’un scorpion ; présentement on ne le donne plus qu’avec des verges, dont on frappe plusieurs coups & à différentes reprises, dans les places publiques & carrefours, suivant ce qui est ordonné.

C’est l’exécuteur de la haute-justice qui foüette les criminels hors de la prison ; mais lorsqu’un accuse detenu prisonnier n’a pas l’âge compétent pour lui infliger les peines ordinaires, ou lorsqu’il s’agit de quelque leger délit commis dans la prison, on condamne quelquefois l’accusé à avoir le fouet sous la custode, sub custodia, c’est-à-dire dans la prison : auquel cas ce n’est pas l’exécuteur de la haute justice qui doit donner le foüet, mais le questionnaire s’il y en a un, ou un geolier, ce qui est moins infamant. La Rocheflavin, liv. II. tit. x. rapporte un arrêt du parlement de Toulouse, du 6 Juillet 1563, portant qu’un prisonnier de la maison-de-ville seroit fustigé avec des verges par un sergent, & non par l’exécuteur de la haute justice, & feroit un tour seulement dans la maison-de-ville.

Autrefois en quelques endroits c’étoit une femme qui faisoit l’office de bourreau pour fustiger les femmes. Voyez ce qui en a été dit au mot Exécuteur.

Anciennement lorsque l’Eglise imposoit des pénitences publiques, le pénitent étoit fouetté jusqu’au pié de l’autel. C’est ainsi que fut traité Raymond, comte de Toulouse, petit-fils du premier de ce nom ayant été soupçonne de favoriser les hérétiques, Innocent III. mit ses terres en interdit, & les abandonna au premier occupant ; le comte implora la clemence du pape, & crut que c’étoit assez de s’être humilié ; mais le légat l’obligea de venir à la porte de l’église, & l’ayant fait dépouiller de tous ses habits à la vue d’une nombreuse populace, il le foüetta de verges jusqu’à l’autel, où il reçut l’absolution. Voyez les annales de Toulouse de la Taille.

Le juge d’église, selon la disposition canonique, pouvoit condamner ses justiciables au foüet. Dans la primitive Eglise les clercs souffroient la correction du foüet pour l’amendement de leurs fautes. Ils pouvoient y être condamnés judicio episcopali, comme on peut l’inférer du canon cum beatus distinct. 45. du canon non liceat distinct. 86. & autres ; Hilarius sous-diacre ayant accusé faussement un diacre, & les juges s’étant contentés d’absoudre l’accusé, le pape ordonna que l’accusateur seroit dépouillé de son office, qu’il seroit foüetté de verges publiquement, & envoyé en exil ; cap. j. de calumniat. Les canonistes ont tous conclu de-là que le juge d’église peut condamner au foüet, pourvû que ce ne soit pas jusqu’à effusion de sang ; néanmoins les juges d’église ont rarement prononcé de telles condamnations.

Bernard Diaz, dans sa pratique criminelle, chap. cxxxiij. prétend que les juges d’église peuvent sans encourir aucune irrégularité, condamner au foüet, quoiqu’il y ait communément effusion de sang ; parce que, dit-il, cette effusion de sang n’est pas ordonnée, & ne procede pas principalement du jugement, mais d’accident, & ex post facto. Cette distinction paroîtra sans doute plus subtile que solide.

Aussi Ignatius Lopez qui a commenté l’auteur que l’on vient de citer, observe que ce n’étoit guere qu’en Espagne où les juges d’église ordonnoient cette peine, & que depuis 21 ans il n’avoit point vû dans la ville de Alcala de Henares que les officiaux eussent condamné personne au foüet.

Julius Clarus dit aussi que dans l’état de Milan, les juges d’église ne condamnoient point les coupables au foüet.

En France autrefois, les juges d’église condamnoient quelquefois au fouet, mais c’étoit abusivement ; & cela ne se pratique plus : l’église ne pouvant infliger aucune peine afflictive.

Il a néanmoins été jugé par arrêt du 7 Août 1618, rapporté dans Bardet, qu’un bénéficier-juge n’avoit pas encouru d’irrégularité pour avoir condamné au foüet, parce que cette peine, quoiqu’afflictive, n’ôte point la vie, & n’est pas dans le cas de celles que l’Eglise abhorre. (A)

Foüet sous la custode, c’est lorsqu’on le donne dans la prison ; on condamne à cette peine les enfans au-dessous de l’âge de puberté, qui ont commis quelque delit grave. (A)

Fouet de Mat, (Marine.) on ne se sert de cette expression, un grand foüet de mât, que pour dire une grande longueur de mât. (Z)

*Fouet, (Verrerie.) c’est ainsi qu’on appelle dans les Verreries, l’ouvrier qui arrange les bouteilles ou les plats dans les fourneaux à recuire, & qui a soin de les tenir dans une chaleur convenable. S’il donne trop de chaud, l’ouvrage s’applatit ; trop de froid, il casse. Il est aidé dans sa fonction par les gamains. Voyez les articles Verreries & Gamains. Le foüet présente aussi la planche pour trancher les plats, & il aide l’ouvrier à les placer & arranger dans les fourneaux.