L’Encyclopédie/1re édition/FLAGELLATION

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* FLAGELLATION, s. f. (Hist. anc.) punition par le foüet. Elle fut en usage chez les Juifs. On l’encouroit facilement, elle ne deshonoroit pas. On la subissoit dans la synagogue. Le pénitent étoit attaché à un pilier, les épaules nues. La loi ordonnoit quarante coups, que l’on réduisoit à treize coups d’un foüet à trois courroies. Le prénitent étoit censé recevoir trois coups à-la-fois, & on lui faisoit grace du quarantieme coup, ou du quatorzieme. On aimoit mieux qu’il eût un coup de moins que deux coups de trop. Il falloit à cette espece de discipline la présence de trois juges : l’un lisoit les paroles de la loi ; le second comptoit les coups ; le troisieme encourageoit l’exécuteur, qui étoit communément le prêtre de la semaine.

La flagellation fut aussi commune chez les Grecs & les Romains. C’étoit un supplice plus cruel que la fustigation. On flagelloit d’abord ceux qui devoient être crucifiés ; mais on ne crucifioit pas tous ceux qui étoient flagellés. On attachoit à une colonne dans les palais de la justice, ou l’on promenoit dans les cirques, les patiens qui étoient condamnés à la flagellation. Il étoit plus honteux d’être flagellé que battu de verges. Les foüets étoient quelquefois armés d’os de piés de mouton : alors le patient expiroit communément sous les coups. On appelloit ces foüets, flagella talaria.

Flagellation, (Hist. ecclés. & Philos.) peine du foüet ou de la discipline que se donnent ou que se donnoient autrefois des pénitens. Voyez Discipline & Flagellans.

On trouve dès l’an 508 la flagellation établie comme peine contre les religieuses indociles, dans une regle donnée par S. Césaire d’Arles. Depuis ce tems elle a été établie comme peine dans plusieurs autres regles monastiques ; mais on ne voit pas d’exemples de la flagellation volontaire avant le xj. siecle : les premiers sont de S. Gui, abbé de Pomposie, mort en 1040 ; & de S. Poppon, abbé de Stavelles, mort en 1048. Les moines du Mont-Cassin avoient embrassé cette pratique avec le jeûne du vendredi, à l’exemple de Pierre Damien. A leur exemple cette dévotion s’étendit beaucoup ; mais comme elle trouva quelques opposans (ce qui n’est pas difficile à croire), Pierre Damien écrivit en sa faveur. M. Fleury, dans son histoire de l’Eglise, nous a donné l’extrait de l’écrit de ce pieux auteur ; écrit dans lequel, selon la remarque de M. Fleury lui-même, il ne faut pas chercher la justesse du raisonnement.

Celui qui s’est le plus distingué dans la flagellation volontaire, a été S. Dominique l’Encuirassé, ainsi nommé d’une chemise de mailles qu’il portoit toûjours, & qu’il n’ôtoit que pour se flageller à toute outrance. On ne sera pas étonné de ce qu’ajoûte M. Fleury, que sa peau étoit devenue noire comme celle d’un negre. Ce bienheureux se foüettoit non-seulement pour lui, mais pour les autres. On croyoit alors que vingt pseautiers récités en se donnant la discipline, acquittoient cent ans de pénitence ; car trois mille coups valoient un an, & on comptoit mille coups pour dix pseaumes S. Dominique acquittoit facilement cette dette en six jours ; ainsi en un an il pouvoit, selon son calcul, sauver soixante ames de l’enfer. Mais M. Fleury ne dissimule pas combien on étoit alors dans l’erreur sur ce sujet, & combien toute cette flagellation a contribué au relâchement des mœurs. (O)

Flagellation se dit plus particulierement de la souffrance de J. C. lorsqu’il fut foüetté & flagellé par les Juifs.

Un tableau de la flagellation, ou simplement une flagellation, signifie un tableau ou une estampe qui représente ce tourment du Sauveur du monde. On dit dans ce sens, la flagellation d’un tel peintre.