L’Encyclopédie/1re édition/FILASSIER

FILASSIER, s. m. ouvrier & marchand tout ensemble qui donne les dernieres façons à la filasse, après que la chenevotte a été grossierement concassée & brisée par un instrument qu’on nomme brie en Normandie, & brayoire en d’autres endroits.

Il y a à Paris une communauté ou corps de métier composé de femmes qui prennent la qualité de linieres, chanvrieres, & filassieres ; cette communauté est fort ancienne ; ses statuts de 1485 ne sont qu’une addition à ceux qu’elle avoit déjà depuis long-tems. Dans ces statuts qui sont les premiers de ceux qui lui restent, cette communauté étoit composée de maîtres & de maîtresses également admis à la jurande, deux de chaque sexe.

Ce fut encore au nom des maîtres & maîtresses, jurés & jurées, que furent demandées & accordées les lettres-patentes d’Henri II. en 1549, aussi-bien que celles de 1578 ; mais en 1666, la communauté ayant obtenu de nouveaux statuts & reglemens, & une nouvelle forme de gouvernement, il n’y est plus fait mention de maîtres, de jurés, ni d’apprentis : depuis ce tems-là, c’est une communauté de maîtresses, qui ne partagent la jurande avec personne.

Ces derniers statuts & les lettres-patentes furent non-seulement enregistrées au parlement & au châtelet à l’ordinaire, mais ils furent encore lûs & publiés à son de trompe, le 2 Janvier 1667, sur la permission du lieutenant civil du 30 Décembre 1666.

Les jurées de cette communauté sont au nombre de quatre, qui sont élûes deux chaque année.

Les maîtresses ne peuvent avoir d’apprentisses qu’elles ne tiennent boutique ouverte, magasin, ou étalage pour leur propre compte.

Elles ne peuvent avoir qu’une apprentisse à la fois, & doivent l’obliger pour six ans.

L’apprentisse aspirante à la maîtrise doit faire chef-d’œuvre, dont néanmoins la fille de maîtresse est exempte.

Aucune apprentisse ou fille de boutique de ces sortes de marchandes ne peut entrer au service d’une nouvelle maîtresse, à moins qu’il n’y ait douze ou treize boutiques entre celle où elle entre & celle d’où elle sort ; & cela parce que presque toutes les boutiques de ces sortes de marchandes étant dans une des halles de Paris, & toutes attenantes les unes des autres, il seroit difficile d’entretenir la paix entre la nouvelle & l’ancienne maîtresse de ces filles.

Enfin les chanvres, lins, & filasses qu’apportent les forains sont sujets à visite ; & les marchands sont tenus de les faire descendre & mettre en la halle pour y être visités.

C’est dans un canton de la halle au blé de Paris, que de toute ancienneté les marchandes chanvrieres sont établies. Aussi il est fait mention de cette place dans leurs plus anciens statuts, & toûjours depuis elles y ont été conservées & maintenues par leurs lettres-patentes jusqu’à-présent.

C’est-là aussi qu’il est ordonné par les statuts que les marchands doivent transporter leurs marchandises.

Il y a pourtant une exception à cet article, en faveur de la foire S. Germain ; les marchands forains ayant droit d’y décharger leurs marchandises, que les jurées chanvrieres peuvent bien & doivent, mais qu’elles, non plus que les autres maîtresses, ne peuvent acheter qu’après que les bourgeois s’en sont fournis pendant les deux jours qui leur sont accordés par préférence. Voyez les réglemens du Commerce.