L’Encyclopédie/1re édition/FICHES

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FICHES, s. f. pl. ce sont, dans l’Art militaire, des especes de grands bâtons, piquets, ou hallebardes, dont on se sert pour marquer ou aligner les différentes lignes du camp : c’est proprement ce que l’on appelle jalons dans la Géométrie pratique. Voyez Jalons. (Q)

Fiches, terme de Lutherie, sont des chevilles de fer, autour desquelles on entortille les cordes de fer ou de cuivre des clavecins, épinettes, psaltérion, & autres instrumens de cette espece. Ces fiches ont leur partie inférieure terminée en pointe obtuse, c’est celle qui entre dans le bois ; l’autre extrémité est applatie, pour donner prise à l’accordoir, ou à la clé avec laquelle on les tourne pour tendre les cordes, jusqu’à ce qu’elles soient d’accord entre elles.

Il y a des instrumens dont les fiches sont fendues par la tête ; ensorte que l’on peut passer une boucle, formée à l’extrémité de la corde, sur un des fourchons. Cette maniere de chevilles est bonne pour les instrumens dont les cordes souffrent de grands efforts, comme celles du tympanon ou psaltérion.

Mais dans les instrumens à clavier, cela n’est pas nécessaire ; il suffit qu’un demi-pouce, ou environ, des cordes soit pris entre la fiche & les différens tours que la corde fait autour d’elle ; il faut seulement observer que la corde soit tellement entortillée, que pour tendre ou faire monter le ton, on doive tourner à droite, & pour descendre ou lâcher, on doive tourner à gauche.

Fiche, (Peinture.) instrument dont les Peintres se servent pour piquer leurs traits ou poncis. C’est un petit bâton de quatre à cinq pouces de long, sur environ trois lignes de diametre, dans lequel on a fiché une aiguille à coudre. (R)

* Fiches, (Serrur.) c’est ainsi qu’on appelle ces pieces de fermeture de fer, sur lesquelles sont soûtenues & se meuvent les portes d’armoires, les fenêtres, &c. Il y en a de différentes sortes.

Il y a des fiches à vase ; elles different des fiches à nœuds & à chapelets, en ce qu’elles n’ont que deux nœuds ; que le nœud qui forme la partie d’en bas de la fiche, porte un mammelon : ce qui l’a fait appeller le gond de la fiche. Le gond est ferré sur les dormans des croisées, les chambranles des portes, les piés cormiers des armoires, &c. Quant au nœud qui entre sur le mammelon du gond, il est ferré sur les feuilles des portes ; & tous les deux ainsi assemblés, tant la partie du haut que celle du bas, forment la fiche à vase. Le détail de cette fiche se voit dans nos Planches de Serrurerie. A fiche enlevée ; B fiche tournée, c’est-à-dire dont le nœud est formé ; C broche ou mammelon, portant une tête pour former le vase de la fiche ; D partie de fiche à vase forgée ; E vase de la broche fini ; F gond de fiche enlevé & reparé ; G mammelon du gond ; HH la fiche ; I le gond dont le vase ou le bouton n’est point encore fait ; LK la fiche dont les deux parties sont assemblées ; M la fiche à demi dans son gond.

La fiche de brisure, qui est une fiche à nœuds, qu’on ferre aux guichets des croisées & autres ouvrages semblables, brisée en plusieurs parties ; comme on le peut voir dans la vignette d’une de nos Planches de Serrurerie, au haut de laquelle on a représenté la boutique d’un serrurier qui ferre une croisée.

La fiche à chapelet, qui differe de la fiche à nœuds en ce que chaque nœud est séparé, & qu’ils sont tous enfilés par le moyen d’un mammelon ou d’une broche ; de ces nœuds l’un tourne à droite, & l’autre à gauche : ce qui fait qu’il y a entre les nœuds la hauteur d’un nœud de vuide de chaque côté, comme on le voit dans nos Planches de Serrurerie. 1, 2, 3, est la fiche à chapelet, ou à nœuds ; 1, 2, la tête ou boule du mammelon ; 3, 3, 3, le nœud ; 5 le mammelon ; 4, 6, le nœud.

La fiche de porte cochere qui est composée d’un seul nœud, qui a de la hauteur à proportion de la force de la porte ; & pour gond, un gond à repos simple ou double, selon que le cas le requiert. Cette sorte de fiche & de gond est d’usage pour les grosses portes d’allées, auxquelles on ne met point de penture.

La fiche à nœuds, qui est une espece de fiche faite comme une charniere, à-travers des nœuds de laquelle passe une broche ; ou, en termes propres de l’art, un mammelon, qui fait la fonction d’une goupille dans la charniere. Voyez nos Planches de Serrurerie, en X & K.

* Fiche, (Jeux de cartes & autres.) ce sont des petites lames d’ivoire, de bois, ou d’autres matieres colorées, dont les joüeurs se servent lorsqu’ils n’ont plus de jettons, pour s’acquiter commodément les uns envers les autres dans le cours de certains jeux, tels que le médiateur, l’ombre, le piquet à écrire, &c. ainsi les jettons & les fiches sont au jeu des représentations de l’argent. On leur donne la valeur qu’on veut ; & à la fin du jeu on retire ses fiches & ses jettons ; on évalue la perte, & on se rembourse en argent. La raison pour laquelle les fiches sont de diverses couleurs à tous les jeux où il y a un certain nombre de joüeurs dont les intérêts sont séparés, est évidente. Ces couleurs qu’on tire au sort, désignent chaque joüeur, & les fiches marquent son gain ou sa perte. Quant aux jettons, ils se donnent au compte ; & à la fin de la partie du jeu, on en paye autant qu’on en a de moins qu’on n’en a reçu. Il n’est pas nécessaire qu’ils soient distingués par des couleurs. Si on prenoit aussi les fiches au compte, il seroit inutile qu’elles fussent de différentes couleurs ; le nombre que chaque joüeur en auroit pris en commençant le jeu, suffiroit pour déterminer sa perte ou son gain en le finissant.