L’Encyclopédie/1re édition/FANUM

FANUS  ►

FANUM, (Littérat.) temple ou monument qu’on élevoit aux empereurs après leur apothéose. C’est un mot grec ναὸν, ἀνὸν, avec un digamma éolique φανὸν, fanum, temple. Cette origine est manifeste dans le diminutif hanulum pour fanulum, petit temple.

Cicéron inconsolable de la mort de sa fille Tullia, résolut de lui bâtir un temple ; je dis un temple, & non pas un tombeau, parce qu’il vouloit que le monument qu’il lui érigeroit s’appellât fanum, dénomination consacrée aux temples, & aux seuls monumens qu’on élevoit aux empereurs après leur apothéose.

En effet, quelque magnifique qu’un tombeau pût être, il ne paroissoit point à Cicéron digne d’une personne telle que Tullie, & qu’il croyoit mériter des honneurs divins. C’est pourquoi, après avoir fait marché pour des colonnes de marbre de Chio, un des plus beaux marbres de la Grece, il insinue que l’emploi qu’il en vouloit faire pour sa fille, étoit quelque chose d’extraordinaire. Il parle en même tems de son dessein comme d’une foiblesse qu’il faut que ses amis lui pardonnent ; mais il conclud que, puisque les Grecs de qui les Romains tenoient leurs lois, avoient mis des hommes au nombre des dieux, il pouvoit bien suivre leur exemple, & que son admirable fille ne méritoit pas moins cet honneur, que les enfans de Cadmus, d’Amphion, & de Tindare : en un mot il compte que les dieux la recevront avec plaisir au milieu d’eux, & qu’ils approuveront d’autant plus volontiers son apothéose, qu’elle n’étoit point une nouveauté. Voyez Apothéose & Consécration.

Il est vrai qu’on trouve plusieurs exemples de ces apothéoses ou consécrations domestiques dans les inscriptions sépulcrales greques, où les parens du mort déclarent que c’est de leur propre autorité qu’il a été mis au nombre des dieux. Spon. inscript. cxjv. page 368. Reinesius, inscript. cxl. classiq. 17.

On a lieu de croire cependant que Cicéron n’exécuta pas le dessein dont il avoit parû si fort occupé, parce qu’il n’en parle plus dans ses ouvrages, & que les auteurs qui l’ont suivi n’en ont fait aucune mention. La mort de César qui arriva dans cette conjoncture, jetta Cicéron dans d’autres affaires, qui vraissemblablement ne lui laisserent pas le loisir de songer à celle-ci. Peut-être aussi que lorsque le tems eut diminué sa douleur, il ouvrit les yeux, & reconnut que si on l’avoit blâmé de s’y être trop abandonné, on le condamneroit encore davantage d’en laisser un monument si extraordinaire. Mais voyez sur le fanum de Tullia, l’abbé Montgault dans les mém. des Belles-Lettres, & Middleton dans la vie de Cicéron. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.