L’Encyclopédie/1re édition/FACILITÉ

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FACILITÉ, s. f. terme de Peinture. Dans les Arts & dans les talens, la facilité est une suite des dispositions naturelles. Un homme né poëte répand dans ses ouvrages cette aisance qui caractérise le don que lui a fait la nature. Voyez Facile. L’artiste que le ciel a doüé du génie de la Peinture, imprime à ses couleurs la legereté d’un pinceau facile ; les traits qu’il forme sont animés & pleins de feu. Est-ce à la conformation & à la combinaison des organes que nous devons ces dispositions qui nous entraînent comme malgré nous, & qui nous font surmonter les difficultés des Arts ? Est-ce dans l’obscurité des causes physiques de nos sensations que nous devons rechercher les principes de cette facilité ? Quelle qu’en soit la source, qu’il seroit avantageux de l’avoir assez approfondie pour pouvoir diriger les hommes vers les talens qui leur conviennent, pour aider la nature, & pour faire de tant de dispositions souvent ignorées ou trop peu secondées, un usage avantageux au bien général de l’humanité ! Au reste la facilité seule, en découvrant des dispositions marquées pour un talent, ne peut pas conduire un artiste à la perfection ; il faut que cette qualité soit susceptible d’être dirigée par la réflexion. On naît avec cette heureuse aptitude ; mais il faudroit s’y refuser jusqu’à ce qu’on eût préparé les matériaux dont elle doit faire usage. Il faudroit enfin qu’elle ne se développât que par degrés, & c’est lorsque la facilité est de cette rare espece, qu’elle est un sûr moyen pour arriver aux plus grands succès. Et qu’on ne croye pas que la patience & le travail puissent subvenir absolument au défaut de facilité : non. Si l’un & l’autre peuvent conduire par une route pénible à des succès, il manquera toûjours à la perfection qu’on peut acquérir ainsi, ce qu’on desire à la beauté, lorsqu’elle n’a pas le charme des graces. On admire dans Boileau la raison fortifiée par un choix laborieux d’expressions justes & précises. Bien moins captif, le talent divin & facile de Lafontaine touche à-la-fois l’esprit & le cœur.

La facilité dont je dois parler ici, celle qui regarde particulierement l’art de la Peinture, est de deux especes. On dit facilité de composition, & le sens de cette façon de s’exprimer rentre dans celui du mot génie ; car un génie abondant est le principe fécond qui agit dans une composition facile : Il faut donc remettre à en parler lorsqu’il sera question du mot Génie. La seconde application du terme facilité est celle qu’on en fait lorsqu’on dit un pinceau facile ; c’est l’expression de l’aisance dans la pratique de l’art. Un peintre, bon praticien, assûré dans les principes du clair obscur, dans l’harmonie de la couleur, n’hésite point en peignant ; sa brosse se promene hardiment, en appliquant à chaque objet sa couleur locale. Il unit ensemble les lumieres & les demi-teintes ; il joint celles-ci avec les ombres. La trace de ce pinceau dont on suit la route, indique la liberté, la franchise, enfin la facilité. Voilà ce que présente l’idée de ce terme, & je finis cet article en hasardant le conseil de se rendre sévere & difficile même dans les études par lesquelles on prépare les matériaux de l’ouvrage ; mais lorsque la réflexion en a fixé le choix, de donner à l’exécution du tableau cet air de liberté, cette facilité d’exécution qui ajoûte au mérite de tous les ouvrages des Arts. Article de M. Watelet.