L’Encyclopédie/1re édition/EXEMPLE

◄  EXEMPLAIRE
EXEMPT  ►

EXEMPLE, s. m. (Morale.) action vicieuse ou vertueuse qu’on se propose d’éviter ou d’imiter.

L’exemple est d’une grande efficace, parce qu’il frappe plus promptement & plus vivement que toutes les raisons & les préceptes ; car la regle ne s’exprime qu’en termes vagues, au lieu que l’exemple fait naître des idées déterminées, & met la chose sous les yeux, que les hommes croyent beaucoup plus que leurs oreilles.

Bien des gens regardent comme un instinct de la seule nature, ou comme l’effet de la constitution des organes, la force des exemples, & le penchant de l’homme à imiter ; mais ce ne sont pas là les seules causes de la pente qui nous porte à nous modeler sur les autres, l’éducation y a sans doute la plus grande part.

Il est difficile que les mauvais exemples n’entraînent l’homme, s’ils sont fréquens à sa vûe, & s’ils lui deviennent familiers. Un des plus grands secours pour l’innocence, c’est de ne pas connoître le vice par les exemples de ceux que nous fréquentons. M. de Bussy répétoit souvent, qu’à force de ne trouver rien qui vaille dans son chemin, on ne devient rien qui vaille soi-même. Il faut un grand courage pour se soûtenir seul dans les sentiers de la vertu, quand on est entouré de gens qui ne les suivent point. D’ailleurs dans les états où les mœurs sont corrompues, la plûpart des hommes ne tirent point de fruit du petit nombre de bons exemples qu’ils voyent ; & dans l’éloignement ils se contentent de rendre avec froideur quelque justice au mérite.

Dans les divers gouvernemens, les principes de leur constitution étant entierement différens, non seulement les exemples de bien & de mal ne sont pas les mêmes, mais les souverains ne sauroient se modeler les uns sur les autres d’une maniere utile, fixe & durable ; c’est ce que Corneille fait si bien dire à Auguste :

Les exemples d’autrui suffiroient pour m’instruire,
Si par l’exemple seul on pouvoit se conduire ;
Mais souvent l’un se perd où l’autre s’est sauvé,
Et par où l’un périt, un autre est conservé.

Enfin dans toutes les conjonctures de la vie, avant que de prendre les exemples pour modeles, il faut toûjours les examiner sur la loi, c’est-à-dire sur la droite raison : c’est aux actions à se former sur elle, & non pas à elle à se plier pour être conforme aux actions. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Exemple, (Belles-Lettr.) argument propre à la Rhétorique, par lequel on montre qu’une chose arrivera ou se fera d’une telle maniere, en apportant pour preuve un ou plusieurs évenemens semblables arrivés en pareille occasion.

Si je voulois montrer, dit Aristote, livre II. de la Rhétorique, que Denis de Syracuse ne demande des gardes que pour devenir le tyran de sa patrie, je dirois que Pisistrate demanda des gardes ; & que dès qu’on lui en eut accordé, il s’empara du gouvernement d’Athenes ; j’ajoûterois que Théagene fit la même chose à Mégare : j’alléguerois ensuite les autres exemples de ceux qui sont parvenus à la tyrannie par cette voie, & j’en conclurois que quiconque demande des gardes, en veut à la liberté de sa patrie.

On résout cet argument en montrant la disparité qui se rencontre entre les exemples & la chose à laquelle on veut les appliquer. (G)