L’Encyclopédie/1re édition/EUSEBIENS, les

EUSEBIENS, les, (Hist. ecclesiast.) cette secte prit son nom d’Eusebe, l’auteur de l’histoire ecclésiastique, que l’on suppose avoir favorisé Arius. Voici ce qu’il pensoit sur la Trinité. Il déclare en plusieurs endroits, que le verbe est Dieu & fils de Dieu : il soutient expressément qu’il n’a pas été tiré du néant, & créé dans le tems, mais qu’il étoit engendré de toute éternité de la substance du pere : il rejette absolument le sentiment de ceux qui disoient que le verbe avoit été produit de rien, & qui le mettoient au rang des créatures.

Mais il paroît insinuer en plusieurs endroits, & principalement dans son traité contre Marcel, que le fils n’est pas égal au pere, & qu’on ne lui doit point le même degré d’adoration. Il soutient cette même opinion dans tous les ouvrages dans lesquels il rejette le sentiment de ceux qui prétendoient que le fils avoit été tiré du néant, & n’étoit point d’une même substance avec le pere, ni de toute éternité ; mais il semble admettre quelque inégalité entre le pere & le fils, & penser que la connoissance du fils est en quelque maniere dépendante & inférieure à celle du pere.

De là vint qu’il ne se fit point de peine de reconnoître dans le concile de Nicée, que le fils étoit Dieu de toute éternité, & de rejetter en terme exprès la doctrme d’Arius, qui soutenoit que le fils avoit été tiré du néant, & qu’il y avoit eu un tems où il n’existoit point : mais il se fit toujours de la peine d’approuver le terme de consubstantiel, qui signifie que le fils est de la même substance que le pere ; & quand il souscrivit à ce terme, il y donna un sens fort éloigné de celui qui établit l’égalité du pere & du fils.

Dans la lettre qu’il écrivit à son église : Quand on affirme, dit-il, que le fils est consubstantiel au pere, on entend seulement que le fils de Dieu n’a aucune ressemblance avec les créatures qui ont été faites par lui, & qu’il en a une parfaite avec son pere, parce qu’il a été engendré, & non d’une autre hypostase ou d’une autre substance. Ce qui fait voir qu’Eusèbe n’a point approuvé ce terme, en tant qu’il établit une parfaite égalité entre le pere & le fils, mais en tant qu’il établit la ressemblance du fils avec le pere, ce qui signifie que le fils est engendré du pere.

On doit observer ici qu’Athanase, dans le traité des synodes, & dans le livre de la décision du concile de Nicée, témoigne qu’il n’approuve en aucune maniere l’explication qu’Eusèbe donnoit à ce terme. Mais ce qui le rendit suspect d’hétérodoxie sur cet article, ce furent principalement les liaisons qu’il eut avec les évêques du parti d’Arius, les louanges qu’il leur a toujours données, son silence dans son histoire ecclésiastique sur ce qui regarde le concile de Nicée, & la maniere peu avantageuse dont il en parle dans ses livres de la vie de Constantin.

Il est bien plus difficile de le défendre sur son opinion, par rapport au S. Esprit ; car il assure qu’il n’est point véritablement Dieu. Le S. Esprit, dit-il, n’est ni Dieu, ni fils de Dieu, parce qu’il ne tire point son origine du pere comme le fils, étant au nombre des choses qui ont été faites par le fils.

Ce que nous avons dit jusqu’ici des sentimens d’Eusèbe, fait voir d’un côté que c’est à tort que Socrate, Sozomene & quelques auteurs modernes l’excusent de s’être écarté des notions reçues sur la