L’Encyclopédie/1re édition/EPITHETE

◄  EPITHEME

EPITHETE, s. f. terme de Grammaire & de Rhétorique, du grec ἐπίθετος, adjectitius, accessorius, imposititius, dont le neutre est ἐπίθετον, epithetum : on sousentend ὄνομα, nomen ; ainsi ce mot épithete pris substantivement, veut dire nom ajoûté. Nos peres plus voisins de la source, faisoient ce mot masculin ; mais enfin les femmes & les personnes sans études voyant ce mot terminé par un e muet, l’ont fait du genre féminin, & cet usage a prévalu. Le peuple abuse en plusieurs mots de ce que l’e muet est souvent le signe du genre féminin, sur-tout dans les adjectifs, saint, sainte ; époux, épouse ; ouvrier, ouvriere, &c.

Encore si pour rimer, dans sa verve indiscrete,
Ma muse au moins souffroit une froide épithete.

Boil. Sat.

M. l’abbé Girard n’a point fait d’observation sur la différence qu’il y a entre épithete & adjectif. Il semble que l’adjectif soit destiné à marquer les propriétés physiques & communes des objets, & que l’épithete désigne ce qu’il y a de particulier & de distinctif dans les personnes & dans les choses, soit en bien, soit en mal : Louis le Begue, Philippe le Hardi, Louis le Grand, &c. c’est en partie de la liberté que nos peres prenoient de donner des épithetes aux personnes, qu’est venu l’usage des noms propres de famille.

Quand le simple adjectif ajoûté à un nom commun ou appellatif le fait devenir nom propre, alors cet adjectif est un épithete : urbs, ville, est un nom commun : mais quand on disoit magna urbs, on entendoit la ville de Rome.

Te canit agricola, magnâ cùm venerit urbe.

Tibul. l. I. el. 7.

Tous les adjectifs qui sont pris en un sens figuré, sont des épithetes ; la pâle mort, une verte vieillesse, &c.

Les adjectifs patronymiques, c’est-à-dire tirés du nom du pere ou de quelqu’un des ayeux, sont des épithetes ; Telamonius Ajax, Ajax fils de Télamon. Il en est de même des adjectifs tirés du nom de la patrie : c’est ainsi que Pindare est souvent appellé le poëte thebain, poeta thebanus ; Dyon syracusanus, Dyon de Syracuse, &c. Souvent les noms patronymiques sont employés substantivement par antonomase, κατὰ ἐξοχὴν, per excellentiam. C’est ainsi que par le philosophe on entend Aristote, & par le poëte, on désigne Homere ; mais alors philosophe & poëte n’étant point joints à des noms propres, sont pris substantivement, & par conséquent ne sont point des epithetes.

On doit user avec art des épithetes ou adjectifs ; on ne doit jamais ajoûter au substantif une idée accessoire, déplacée, vaine, qui ne dit rien de marqué. Les épithetes doivent rendre le discours plus énergique. M. de Fénelon ne se contente pas de dire, que l’orateur, comme le poëte, doit employer des figures, des images, & des traits ; il dit qu’il doit employer des figures ornées, des images vives, & des traits hardis, lorsque le sujet le demande.

Les épithetes qui ne se présentent pas naturellement, & qui sont tirées de loin, rendent le discours froid & ennuyeux. On ne doit jamais se servir d’epithetes par ostentation ; on n’en doit faire usage que pour appuyer sur les objets sur lesquels on veut arrêter l’attention. (F)